Pièces en or découvertes à Thuin © ULB

L’hôtel des monnaies des Nerviens se cachait-il à Thuin?

19 novembre 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Les pièces archéologiques découvertes à Thuin par Nicolas Paridaens, archéologue au CreA-Patrimoine (ULB), s’accumulent. Dernièrement, ce sont des dépôts de pièces de monnaie en or et en alliage, des statères et des quarts de statères, et même un lingot d’or d’environ 20 grammes exhumé cette année qui ont été mis au jour lors de campagnes de fouilles organisées en collaboration avec l’Agence wallonne du patrimoine (AWAP). Des découvertes qui suggèrent que le site pourrait avoir été un des hauts lieux de la frappe de monnaies dans la période allant de la fin de la guerre des Gaules (-50 av. J.-C.) à -15 av. J.-C.

Cette période de l’histoire gallo-romaine dans nos contrées est très peu documentée. Entre le retour de César à Rome, son assassinat et le retour des Romains dans les provinces gauloises, très peu d’informations historiques sont disponibles. Le site de Thuin pourrait éclairer cette page de l’histoire.

Un véritable trésor

«  D’un point de vue archéologique, nos découvertes forment très certainement une forme de trésor», indique Nicolas Paridaens.  « Au total, nous avons découvert 8 dépôts totalisant une centaine de pièces de monnaie, dont un dépôt de 69 statères. Mais surtout, ces pièces nous fournissent des informations qui nous font penser que le site était une sorte d’atelier de fabrication de monnaies.»

Le site gaulois du « Bois du Grand Bon Dieu » est un promontoire fortifié. Il surplombe un affluent de la Sambre. Ses versants sont abrupts sur quatre de ses cinq côtés. La fortification est fermée sur son dernier côté par un rempart constitué d’un fossé et d’une levée de terre.

« Nous n’avons retrouvé aucune trace d’habitation sur ce site », reprend le directeur de fouilles. « Mais bien des objets qui semblent avoir appartenu à des élites gauloises, comme une ceinture, une épée dont le manche est composé de disques de laiton et qui est typique des auxiliaires gaulois (des guerriers payés par les Romains), des statères, des pointes de lance, des céramiques, des éléments de chars, de fourreaux d’épée ou de poignard… »

Statères et lingot d’or découverts à Thuin © Christian Du Brulle

Deux années de fouilles complémentaires

« Cette année, outre les pièces de monnaie, nous avons découvert un lingot d’or. Ce qui est tout à fait exceptionnel. Cet élément, ainsi que le nombre impressionnant de pièces de monnaies différentes retrouvées sur le site depuis 40 ans (quasi la moitié des 500 monnaies de ce type et de cette époque connues à ce jour) nous font penser que l’oppidum devait abriter un atelier de monnayage. Le lingot n’a pas encore été frappé. Il présente, par contre, les marques de la pince qui l’a manipulé lors de sa confection.»

Toutes les monnaies retrouvées à Thuin sont du même type. Elles sont typiques des Nerviens et de ce qui a été retrouvé comme pièces de cette époque dans un périmètre compris entre l’Escaut et l’Entre-Sambre-et-Meuse. La richesse des autres objets archéologiques exhumés au Bois du Grand Bon Dieu pointe vers une occupation par une élite gauloise.

L’hypothèse de l’archéologue, celle d’un atelier de frappe de monnaies, est dès lors séduisante. Elle serait parfaite si les coins ayant servi de matrice à la frappe des monnaies avaient aussi été retrouvés. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Mais le scientifique n’a pas dit son dernier mot. Il a encore deux années de fouilles devant lui sur ce site exceptionnel. Elles s’orienteront du côté des remparts qui ferment la place-forte.

Quant à l’avenir des pièces des différentes monnaies exhumées lors des dernières fouilles, leur avenir est tout tracé.

« Quand nous aurons terminé de les étudier et de les soumettre à différents types de tests physico-chimiques, afin notamment de déterminer si elles ont toutes été frappées dans un or de même qualité ou de même origine, ces pièces, qui appartiennent officiellement à la Ville de Thuin, seront confiées à la garde du Musée royal de Mariemont », conclut Nicolas Paridaens.

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