Il y a 14.000 ans, dans une grotte près de Dinant, les oiseaux étaient au menu

20 janvier 2020
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Les chasseurs-cueilleurs qui vivaient le long de la Lesse pendant la dernière période glaciaire exploitaient de nombreuses espèces d’oiseaux. Leurs restes suggèrent qu’ils leur ont attribué une valeur symbolique. C’est ce qui ressort de l’analyse de quelque 500 vestiges de volatiles provenant de la grotte du Trou de Chaleux, près de Dinant. Les ossements, datés de 14.000 ans, ont été récoltés au cours du 19e siècle.

Aiguilles de Chaleux. La grotte est située à gauche de cette formation rocheuse © Marc Ryckaert

En 1865, le géologue Édouard Dupont, plus tard directeur du Musée des sciences naturelles à Bruxelles, récolte de nombreuses parties de squelettes de mammifères, d’oiseaux et de poissons lors de fouilles dans la grotte de Trou de Chaleux. Ainsi qu’un grand nombre d’artefacts préhistoriques ( en anthropologie, il s’agit de produits ayant subi une transformation, même minime, par l’homme, et qui se distinguent ainsi d’autres provoqués par un phénomène naturel), dont la Dalle de Challeux. Des chercheurs de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) viennent de publier les résultats de l’examen de ces restes de volatiles.

 

 

« En plus de l’identification taxonomique, des altérations de surface ont été étudiées sur la base d’une analyse macro et microscopique, y compris une analyse des traces d’usure et de la composition élémentaire. Une attention particulière est consacrée à la présence de modifications humaines telles que des marques de désarticulation ou de boucherie, des traces d’échauffement, la présence de colorants et des traces de travail osseux », explique Quentin Goffette, archéozoologue à l’IRNSB.

De l’oie au harfang des neiges

Il y a 14.000 ans, les chasseurs-cueilleurs de nos régions exploitaient principalement des mammifères. Et ce, car ces derniers fournissent davantage de viande et de matière première pour fabriquer, entre autres, des outils. Pourtant, la moitié des ossements trouvés dans la grotte de Chaleux provient d’oiseaux. Et au vu des traces de découpe claires, les chercheurs ont exclu qu’une partie de ces restes aient été accumulés par des prédateurs naturels.

Canards, cygne, oie, lagopèdes, harfang des neiges et grand corbeau, « les oiseaux étaient donc une partie importante de leur palette alimentaire. A noter que les techniques de chasse employées nous sont encore largement inconnues », indique Quentin Goffette.

Les oiseaux, sources de matières premières

Au Trou de Chaleux, les oiseaux étaient utilisés pour l’alimentation, mais également comme matière première et à des fins symboliques.

Un nombre impressionnant d’ailes d’oie ont été trouvées, dont les grandes plumes de vol ont vraisemblablement été extraites avec des outils en pierre. Les longs os des ailes ont été utilisés pour fabriquer des objets qui ont parfois été décorés .

Mais les chercheurs n’ont toutefois pas pu confirmer avec certitude que les objets produits ont réellement été utilisés, faute de traces d’usure. Pour d’autres ossements, les chercheurs ont davantage de certitudes. C’est le cas pour un os de cygne qui a été utilisé pour produire des aiguilles.

A. Un os de cygne qui a été vraisemblablement utilisé pour produire des aiguilles C. Un os de plongeon qui a été vraisemblablement utilisé pour produire des aiguilles © IRNSB

 

Le grand corbeau, un oiseau au statut particulier?

Certaines espèces ont été utilisées tant pour l’alimentation que pour leurs valeurs symboliques. C’est le cas du corbeau dont les doigts ont été prélevés méticuleusement. Cette utilisation particulière a également été mise en évidence dans deux sites magdaléniens en Allemagne – Gönnersdorf et Andernach-Martinsberg.

B. Os de corbeau avec doigts enlevés. A. Le corbeau a probablement aussi été mangé : il y a des traces de découpe pour enlever la chair et des traces de morsure © IRNSB

Au Trou de Chaleux, la découverte de griffes d’aigle royal et de harfang des neiges présentant des polis suggérant qu’ils ont été portés par l’Homme, renforcent la valeur symbolique possible de ces grands oiseaux.

A et B. Os de harfang des neiges de la grotte du Trou de Chaleux avec des marques de découpe.
D. Griffe polie d’un harfang des neiges. C. Griffe polie d’un aigle royal. E. Griffe cassée d’un harfang des neiges © IRNSB

Des artefacts en forme d’oiseaux

Un morceau d’ivoire provenant du même site a été sculpté en forme d’oiseau, avec des incisions évoquant les ailes et les plumes. Des artefacts façonnés en forme d’oiseaux ont également été trouvés sur les deux sites allemands. « Cela corrobore l’idée que les oiseaux étaient importants pour les chasseurs-cueilleurs à l’époque dans le nord-ouest de l’Europe », conclut Quentin Goffette.

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