Gérer la souffrance chez l’enfant atteint d’un cancer par l’autohypnose et l’autobienveillance

21 février 2023
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Apprendre l’auto-hypnose et l’autobienveillance à des enfants atteints d’un cancer, ainsi qu’à leurs parents et fratrie, afin de diminuer leur douleur et leur anxiété, et d’améliorer leur qualité de vie. Voilà l’objectif du projet porté par Dre Charlotte Grégoire et Dre Audrey Vanhaudenhuyse, du Sensation & Perception Research Group au sein du GIGA Consciousness de l’Université de Liège et du Centre Interdisciplinaire d’Algologie du CHU de Liège, en collaboration avec le Dr Christophe Chantrain et la psychologue Jennifer Marini du CHC MontLégia à Liège, et la Pre Marie-Elisabeth Faymonville de l’Institut de Cancérologie Arsène Burny du CHU de Liège. Ce projet a récemment reçu le Prix du Fonds Gert Noël, géré par la Fondation Roi Baudouin, d’un montant de 30.000 euros.

Dre Audrey Vanhaudenhuyse, chercheuse et directrice du Sensation & Perception Research Group au sein du GIGA Consciousness de l’Université de Liège © GIGA / ULiège

Hypnose thérapeutique

L’hypnose est un état de conscience modifié naturel auquel chacun peut accéder, en étant accompagné d’un spécialiste ou par soi-même. Dans ce dernier cas, on parle d’autohypnose.

« La personne sous hypnose est dans un état de conscience différent d’habitude, avec une diminution de la conscience de l’environnement : elle perçoit moins ce qui l’entoure. Sa conscience d’elle-même est également modifiée », explique Dre Vanhaudenhuyse. « Des expériences menées depuis plus de 30 ans démontrent que la pratique de l’hypnose permet notamment de diminuer la douleur, l’anxiété, la dépression, les troubles de sommeil. »

« Ce qui fait la beauté de cet outil, c’est que l’on travaille tant sur les symptômes physiques que psychiques. Grâce à l’hypnose, et via les suggestions faites par le ou la professionnel(le) de la santé, il pourra se mettre dans des états de détente, de relaxation, ressentir d’autres sensations dans son corps que les sensations de douleur. Cela aura un effet sur sa régulation émotionnelle. »

Les bienfaits de l’autobienveillance

Quant à l’autobienveillance, elle se définit comme une attitude volontaire de veille amicale pour soi-même. « Nous utilisons une série d’une cinquantaine de tâches qui ont été élaborées par Pre Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste et hypnothérapeute. Il s’agit d’une combinaison de thérapie cognitive comportementale et d’« empowerment », avec comme objectif de réapprendre aux personnes à prendre soin d’elles. On leur demande, par exemple, de faire la liste de leurs besoins, d’observer si dans leur communication, elles utilisent beaucoup le ‘tu’ accusateur, le ‘jamais’, le ‘toujours’. On leur propose de se faire un plaisir par jour, de connaître leurs qualités, etc. », poursuit la directrice du Sensation & Perception Research Group.

« La personne est ainsi mise au centre de son bien-être en lui donnant des outils pour en être actrice et réorganiser sa manière de fonctionner au quotidien pour reprendre le contrôle sur, parfois, la douleur. »

Dre Charlotte Grégoire, chercheuse au sein du Sensation & Perception Research Group du GIGA Consciousness de l’Université de Liège © GIGA / ULiège

Appropriation des outils par les enfants

Ces deux méthodes, autohypnose et autobienveillance, permettent aux personnes d’améliorer leur qualité de vie. « Grâce à ces deux outils, le patient réapprend à faire le lien entre la douleur, par exemple, et ses émotions. » Le CHU de Liège a une longue expérience de plusieurs dizaines d’années de leur usage en douleurs chroniques et en oncologie chez les adultes.

En collaboration avec le service d’hémato-oncologie pédiatrique de la Clinique CHC MontLégia (Liège), Dre Charlotte Grégoire évalue les bénéfices de ces techniques en oncologie pédiatrique. « Dans le cas de cancers pédiatriques, il est nécessaire d’intégrer les personnes de la famille qui s’occupent de l’enfant. Et ce, afin qu’ils puissent l’aider à gérer ses difficultés et à avoir une meilleure qualité de vie. Mais également d’appliquer ces techniques aux proches, car la maladie les impacte directement eux aussi. »

Une première étude pilote a été réalisée de janvier à juin 2017. Elle a porté sur deux groupes en parallèle : l’un composé de 9 enfants ayant ou ayant eu un cancer, l’autre de 13 de leurs parents.

« On a suivi le protocole défini pour les adultes en termes de thème et de durée de séance, tout en adaptant les tâches aux enfants. Cela nous a permis de voir la faisabilité de ces séances de groupe. Le retour des participants a été bon concernant tant la gestion du stress que la douleur. Les outils ont permis aux enfants d’être plus détendus, de prendre du temps pour eux, de mieux se connaître », explique Dre Grégoire, psychologue clinicienne de formation désormais chercheuse à plein temps.

« De manière formelle, les enfants ont rapporté utiliser les outils, appris lors des séances de groupe, de manière spontanée lorsqu’ils sont face à des situations plus stressantes ou anxiogènes, lors des soins de prise en charge clinique et médicale liée à leur cancer », précise Dre Vanhaudenhuyse.

Généralisation future de la prise en charge

Riche de ce succès, une étude expérimentale est en cours depuis 2018. Grâce au soutien de la Fondation Léon Fredericq, le protocole a été reformalisé en termes de variables à étudier et davantage standardisé. Jusqu’à aujourd’hui, 16 enfants souffrant d’un cancer (et 2 autres enfants d’une maladie chronique) ont bénéficié des séances de groupe d’apprentissage de l’autohypnose et de l’autobienveillance.

A ces séances, longues de 1h30 et qui ont lieu toutes les 3 ou 4 semaines, se sont joints 7 de leurs frères et sœurs. «  Cela n’était pas le cas dans l’étude pilote et a été une demande des participants. En effet, les frères et sœurs peuvent se sentir lésés, mis de côté, leurs parents devant accorder beaucoup d’attention à l’enfant malade », explique Dre Grégoire. Une autre séance, dédiée aux parents, de la même durée, succède à celle des enfants et aborde les mêmes thèmes.

« D’ici 2025, nous espérons avoir inclus dans notre étude une cinquantaine d’enfants malades et autant de parents. Notre souhait est que ce type de prise en charge, mêlant autohypnose et autobienveillance, devienne routinière au MontLégia. Et que nos résultats incitent d’autres praticiens en oncologie pédiatrique à l’implémenter dans leur centre », conclut Dre Vanhaudenhuyse.

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