La plupart des jeunes qui ne trouvent pas d’emploi après leurs études ont droit, au terme d’une période non indemnisée d’un an, à une allocation de chômage, appelée « allocation d’insertion ». En 2015, le gouvernement Michel a supprimé le droit à cette allocation pour deux groupes : les jeunes de plus de 25 ans et les jeunes de moins de 21 ans sans diplôme d’études secondaires. L’objectif était d’inciter les jeunes à chercher davantage un emploi et à ne pas quitter l’école prématurément. Une recherche menée par des scientifiques de l’UCLouvain (Muriel Dejemeppe et Bruno Van der Linden), de l’Université Saint-Louis à Bruxelles (Koen Declercq) et de l’UGent (Bart Cockx) a examiné si les résultats de la réforme ont été atteints.
Différence des différences
Pour réaliser cette étude, financée de la Banque Nationale de Belgique, les scientifiques ont utilisé des données administratives du FOREM et du VDAB, ainsi que des départements en charge de l’enseignement de la Communauté flamande et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Afin de mesurer les effets de la réforme, ils contrastent l’évolution des résultats pour les groupes d’âge qui ont perdu le droit aux prestations en 2015 à celle d’autres groupes d’âge qui n’ont pas perdu ce droit. Cette méthode dite de « différence des différences » permet de mesurer les effets de la réforme sous certaines conditions dont l’étude vérifie la crédibilité.
Les effets ont été examinés sur la transition vers un emploi (potentiellement temporaire) 6, 12 et 18 mois après l’inscription du demandeur d’emploi, ainsi que sur l’achèvement et l’arrêt prématuré des études.
Enfin, les effets de la suppression du droit aux allocations pour les plus de 25 ans n’ont été examinés que pour des groupes dans l’enseignement supérieur, tandis que la suppression de ce droit pour les jeunes de moins de 21 ans n’a été examinée que pour les jeunes sans diplôme d’études secondaires.
Objectifs non atteints
Résultats ? « Pour les jeunes sans diplôme de l’enseignement secondaire, la réforme passe complètement à côté de son objectif. La suppression du droit à l’allocation d’insertion n’a d’effet statistiquement significatif ni sur les chances de trouver un emploi, ni sur l’obtention d’un diplôme ou encore sur l’abandon scolaire », analysent-ils.
Ensuite, « les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur trouvent plus rapidement un emploi du fait de cette réforme, mais ce n’est pas un emploi durable. Plus précisément, entre le troisième et le sixième mois suivant l’inscription en tant que demandeur d’emploi, la transition vers des emplois intérimaires de très courte durée a certes augmenté, mais les résultats indiquent que la réforme n’a pas favorisé l’accès à des emplois plus durables. »
Un incitant à ne pas arrêter ses études… supérieures
En outre, cette étude a révélé un effet non intentionnel de la réforme pour les jeunes de l’enseignement supérieur qui, en raison de leur âge, risquaient de perdre leurs droits aux allocations une fois sortis des études.
« Cette perspective a incité certains jeunes à achever leurs études plus tôt et à ne pas les arrêter prématurément. Devant ce résultat, se pose la question de savoir si supprimer le droit aux allocations d’insertion après 25 ans est le meilleur moyen d’améliorer les performances académiques dans l’enseignement supérieur. Après tout, ces effets positifs ne concernent qu’un petit groupe, tandis que la suppression des allocations d’insertion est susceptible d’accroître la dépendance financière de bien des jeunes vis-à-vis de leurs familles et de plonger certains dans la pauvreté (effets qui n’ont pas pu être mesurés dans le cadre de cette étude) », poursuivent les chercheurs.
Les jeunes peu scolarisés encore plus démunis
Les incitations financières à chercher du travail ne sont pas efficaces pour tout le monde et n’ont pas toujours de bons effets.
Après la fin de leurs études, une année s’écoule sans que les jeunes aient droit aux allocations d’insertion, ce qui incite beaucoup d’entre eux à chercher activement un emploi. Et en trouvent souvent un, avant même d’avoir perçu la moindre indemnité. L’hypothétique incitant financier n’a donc que très peu d’impact sur cette tranche de la population.
« Au sein du groupe qui est encore au chômage à ce moment-là, les incitations financières ne sont guère efficaces. Ce sont des jeunes qui n’ont pas les compétences appropriées pour trouver de l’emploi, qui ont des difficultés à prendre en compte les conséquences futures de leurs décisions ou qui procrastinent. La littérature montre que ces problèmes concernent principalement les jeunes peu scolarisés. Ceci permet de comprendre pourquoi nous ne trouvons pas d’effets pour ce public, mais bien parmi les (futurs) diplômées du supérieur. »