La station polaire belge « Princess Elisabeth Antarctica » en décembre 2020 © Henri Robert / IPF

En Antarctique, la station belge tourne en mode Covid

23 décembre 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

À la station polaire belge « Princess Elisabeth Antarctica » (PEA), la saison scientifique australe qui s’est ouverte voici un bon mois a dû composer avec la pandémie de Covid-19.

« Rien que pour arriver sur place, nous avons été soumis à une quarantaine stricte en Afrique du Sud », commente le biologiste Henri Robert, agent de liaison scientifique à la Station PEA. « Ces quinze jours d’isolement ont été suivis de dix jours d’attente complémentaires. L’avion qui assure la liaison entre Cape Town et la station russe de Novolazarevskaya, en Antarctique, ne pouvait, en effet, pas décoller. En cause: les mauvaises conditions météorologiques à l’arrivée, sur le continent blanc. »

Depuis trois ans, Henri Robert aide les scientifiques à préparer leurs missions à la Station Princess Elisabeth. Il organise, notamment, le transport de leur matériel et la logistique. Et s’occupe de certains documents médicaux et administratifs indispensables aux missions en Antarctique.

« Sur place, j’assume aussi une partie des communications avec les autres stations de notre zone », précise-t-il. « Nous échangeons nos observations météorologiques. Ce qui permet au trafic aérien de se dérouler dans les meilleures conditions de sécurité possible. »

Tout au long de l’été austral, des avions de différents gabarits assurent les liaisons entre les différentes stations. Ils acheminent du personnel, des chercheurs, du matériel de recherche et diverses cargaisons, dont de la nourriture fraîche. « Cette année, nous aurons quatre avions de ravitaillement et de transport de personnel sur l’ensemble de la saison », précise Henri Robert.

Alain Hubert © Nighat Amin / IPF

Une saison scientifique quasi normale …

« Par mesure de précaution sanitaire, le nombre de chercheurs que nous accueillons à la station PAE a été réduit », indique encore l’agent de liaison scientifique.

« Mais cela ne nous empêche pas d’avoir une saison quasi normale au niveau scientifique », précise Alain Hubert, le président fondateur de la Fondation polaire internationale (IPF), également sur place. L’IPF est l’opérateur de la station PEA. « Nous avons toutefois reporté deux expéditions assez périlleuses qu’on appelle « deep-field », afin de ne pas, en cas de problème, avoir à demander du secours, puisque de nombreuses stations ont drastiquement réduit leurs campagnes d’été cette année, et qu’il y a peu d’avions dans la zone. »

… mais un nombre réduit de chercheurs accueillis sur place

Seuls trois scientifiques sont présents à PEA cette année : deux Belges et un Suisse. Deux d’entre eux sont déjà rentrés, après une mission d’un mois sur place. Le troisième, un chercheur de l’Université de Gand, quittera en janvier. « Il doit encore partir en expédition sur le plateau antarctique afin de relever des filtres à particules organiques et inorganiques dans le cadre du projet CHASE, dirigé par l’Institut royal météorologique (IRM) et qui concerne également des chercheurs des deux universités libres de Bruxelles (ULB et VUB) », précise Henri Robert.

Le projet CHASE vise à constituer une base de données unique sur la composition organique et inorganique des particules de neige, atmosphérique et de surface, ainsi que des composés organiques volatils dans la région des Terres de la Reine Maud (Dronning Maud Land, où se situe la station PEA). De quoi mieux comprendre les variations saisonnières et l’importance relative des oligo-éléments, des micronutriments et des polluants atmosphériques ainsi que des composés naturels et anthropiques dans cette région.

En reconstituant les voies de transport atmosphérique de ces particules, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment la composition atmosphérique de l’Antarctique est influencée par les basses latitudes et comment celle-ci peut exercer des mécanismes de rétroaction.

Collecte automatique de données

Les deux scientifiques qui ont démarré la saison de recherche BELARE 20-21 (BELgian Antarctic Research Expedition), le Dr Alexis Merlaud, de l’Institut d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB) et Armin Sigmund, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), ont installé et vérifié divers instruments de surveillance de l’atmosphère à la station et dans ses environs immédiats. Ils ont aussi procédé au lancement de ballons-sondes.

Armin Sigmund, de l’EPFL, procède au lancement d’un ballon avec une radiosonde qui étudie les caractéristiques physiques de l’atmosphère: T, pression, humidité, GPS © Henri Robert / IPF

Une dizaine d’autres projets seront menés cette saison à la Station Princess Elisabeth Antarctica, avec l’aide du personnel technique de l’IPF. Certains collectent des données toute l’année. C’est notamment le cas des expériences de gravimétrie et de sismologie de l’Observatoire royal de Belgique, ou encore de surveillance du champ magnétique terrestre (IRM). D’autres ne fonctionnent que durant la saison « claire », tel celui d’étude de l’irradiance solaire de l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB). Ou plutôt de nuit, comme cette expérience japonaise « Aurora », qui étudie la variation des phénomènes auroraux et les mécanismes de déclenchement des sous-orages auroraux.

Alexis Merlaud, de l’IASB, installe un photomètre solaire sur le toit de la station © Henri Robert / IPF

Pour l’équipe technique de la Fondation polaire internationale, la saison est chargée. « Nous sommes en phase finale de la reconstruction des annexes de la station », rappelle Henri Robert. « Désormais, ces bâtiments sont solidement ancrés d’un, côté sur l’affleurement rocheux, tandis que l’autre côté, ils reposent sur des socles mobiles posés sur la glace. Comme celle-ci bouge de quelques centimètres au fil des saisons, nous pouvons désormais remettre les bâtiments d’aplomb chaque année, grâce à un système de vérins. Ce qui permet de les maintenir en place. »

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