Deux engins d’observation de la Terre construits à Louvain-la-Neuve dans l’usine d’Aerospacelab sont prêts à partir pour l’espace. Le premier, un petit satellite compagnon pour le satellite (belge) Proba V d’observation de la végétation est un CubeSat. Baptisé PVCC pour « Proba-V Companion CubeSat », il s’agit d’un engin de 18 kilos qui devrait cartographier la couverture terrestre et la croissance de la végétation sur l’ensemble de la planète. « PVCC devait être lancé par une fusée Vega-C depuis Kourou », indique Grégoire Nemo. « Mais après la défaillance du petit lanceur européen lors de sa précédente mission, en décembre dernier, nous ne savons pas quand PVCC pourra être effectivement placé en orbite ».
L’autre satellite construit dans la première usine d’Aerospacelab à Louvain-la-Neuve est plus massif (la deuxième usine sortira de terre à Charleroi et devrait être opérationnelle en 2025). C’est un satellite construit par et pour Aerospacelab.
D’une masse de 150 à 200 kilos, ce satellite sera lancé par une fusée américaine SpaceX, en juin prochain. Il s’agit d’un démonstrateur technologique de la plateforme satellitaire proposée par Aerospacelab. Une plateforme sur laquelle peut venir se greffer la charge utile de ses clients.
Observation de la Terre à haute résolution
« À la fin de l’année, nous lancerons un second satellite avec un instrument d’observation de la Terre de très haute résolution », reprend le directeur des ventes de l’entreprise. « Un instrument capable de distinguer au sol des détails de 50 centimètres. Et ce, depuis une orbite de quelque 500 kilomètres d’altitude. Nous avons déjà huit lancements de satellite réservés chez SpaceX », précise encore Grégoire Nemo. « Celui du mois de juin sera le premier de cette série ».
De l’observation de la Terre à haute résolution, certes, mais dans quels buts? Outre la fourniture de plateformes satellitaires ou de sous-systèmes de satellites à ses clients (batteries, ordinateurs de bords, roues à inertie…), la société envisage de lancer sa propre constellation de satellites d’observation de la Terre sur une orbite héliosynchrone. « Des satellites dotés de différents types de capteurs », précise Grégoire Nemo. « Cela va des détecteurs optiques à des capteurs travaillant dans l’infrarouge en passant par le multispectral ou encore l’imagerie radar. Et ce, dans la perspective d’offrir à nos clients des services d’intelligence géospatiale. »
Actuellement, la société achète ou a accès gratuitement à certaines données de ce type pour fournir à ses clients des informations issues de la télédétection, en fonction de leurs besoins. À terme, elle disposera donc de ses propres satellites en orbite. On parle ici de dix à vingt satellites, d’une durée de vie moyenne de 5 ans.
Des applications duales qui intéressent potentiellement la Défense
« Nos applications touchent à de multiples domaines », reprend M. Nemo. « Cela peut concerner la surveillance de l’environnement, celle des frontières, assurer le suivi d’une catastrophe, surveiller l’activité économique en suivant le trafic maritime dans un port ou sur un site de production, évaluer les rendements agricoles en vue d’assurer la sécurité alimentaire d’une population, détecter des activités illégales ou encore assurer certains services dans le cadre d’activités liées à la Défense.»
« Par exemple, tenter d’identifier le site d’installation d’un nouveau radar en Iran en détectant, sur des séries d’images récentes d’une même région, le développement d’un trafic inhabituel de véhicules ou encore la construction de routes. Et ce, via un algorithme développé en interne. Une fois un site potentiel identifié, la surveillance spatiale à haute résolution doit venir confirmer ou infirmer les soupçons. »
Le champ des applications en matière de télédétection est vaste. La dualité de ces applications (civiles et militaires) est quasi toujours présente. D’où la visite de la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, (PS), voici quelques jours chez Aerospacelab. « Pas question, toutefois, d’acheter un satellite ou de développer un projet concret à ce stade », commente-t-on cependant dans l’entourage de la ministre.
Transmission par laser des images captées en orbite
Sa visite lui aura permis de se rendre compte de la stratégie d’Aerospacelab. Pour ses plateformes satellitaires, tout est conçu en interne ou acheté à des tiers. Un modèle vertical, comme on dit dans le jargon. Mais aussi avec une sérieuse dose de R&D de pointe. Dans le laboratoire d’optique, par exemple, les ingénieur.e.s travaillent à la mise au point d’un système de transmission des informations récoltées par les satellites vers des stations au sol qui ne fonctionnent plus sur base de fréquences radio, mais bien par un système optique, via des lasers. De quoi augmenter le volume des données transmises à chaque passage du satellite au-dessus de la station de réception.
Parmi les difficultés à surmonter, il y a l’élaboration d’un récepteur terrestre mobile capable de suivre le satellite avec une grande précision. Le faisceau laser émis depuis l’espace ne devant pas trop s’élargir au niveau du sol, au risque de perdre de la qualité du signal. C’est ce projet qui explique la présence d’une petite coupole sur le site de l’usine de Louvain-la-Neuve d’Aerospacelab. Elle devra servir de station pilote de réception des signaux optiques de ce système.