Pour un meilleur accompagnement des jeunes en situations NEET

24 mai 2023
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

Les jeunes qui ne sont ni aux études, ni au travail, ni en formation, connus sous le label NEET (Neither in education, employment, or training), représentent une catégorie sociale encore méconnue. Pourtant, cette situation concernait en 2021 près d’un Bruxellois sur dix, dans la tranche des 18-24 ans. Avec le projet Empower Youth, soutenu par Innoviris, des chercheurs de l’UCLouvain, de l’ULB et de la VUB ont cherché à déterminer les facteurs qui influencent l’accès et le recours de ces jeunes aux services sociaux visant à lutter contre le décrochage scolaire et le chômage.

NEET, une catégorie plurielle

Pour ce faire, ils sont allés à la rencontre d’une centaine de Bruxellois âgés de 18 à 30 ans résidant à Schaerbeek, Molenbeek, Bruxelles-Ville, Saint-Josse et Anderlecht. Des communes comprenant des quartiers à la population particulièrement jeune et défavorisée, dont la situation scolaire ou professionnelle est souvent instable.

Lors de cette enquête de terrain, l’équipe a découvert qu’il existe une diversité de situations et de trajectoires menant au décrochage scolaire ou au chômage. La seule catégorie NEET serait ainsi trop homogène. Pour les scientifiques, il existe au moins deux types de situations NEET : les « hors systèmes » et les « discontinus ».

Des jeunes méfiants du système…

« Les jeunes en situation NEET “hors systèmes” se caractérisent par des conditions d’existence assez rudes », explique Andrew Crosby, postdoctorant à la VUB, chargé de cours en sociologie de l’éducation à l’UCLouvain, et l’un des participants à l’étude.

De fait, leur situation familiale est souvent compliquée (parents absents, ou décédés, ou sans revenus…) et leur parcours scolaire chaotique (réorientations, redoublements, conflit avec le corps enseignant et la direction…). Amenant une majorité à l’abandon précoce des études. Cette catégorie n’a pas recours aux services d’aide, car ils se méfient des institutions, davantage perçues comme des organes de contrôle. D’après le sociologue, « ils sont quasi en autogestion, estimant qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s’en sortir ».

…et déçus des institutions

Les jeunes en situation NEET « discontinue » représentent un groupe plus hétérogène. Leur milieu familial est moins fragilisé et la plupart d’entre eux possèdent un diplôme en filières techniques ou professionnelles. Leur situation oscille souvent entre emploi, formation et chômage, parfois pendant plusieurs années.

« Leur envie de réussir est là, mais elle ne suffit pas toujours. Ils ne sont donc pas convaincus par le discours méritocratique de la société et développent de la frustration envers les institutions.» Ce qui a pour résultat de pousser certains à ne plus faire appel aux services sociaux, et à miser plutôt sur leurs propres réseaux.

Une action publique qui rate parfois sa cible

Du côté des organisations travaillant avec des jeunes défavorisés, ou ayant reçu un financement pour mettre en place des programmes qui ciblent des jeunes en situation NEET, les chercheurs ont constaté certains problèmes.

« Par des entretiens avec une cinquantaine d’organisations, on a analysé leur représentation de leur public cible, ainsi que les moyens mis en place pour aider ces jeunes », précise Andrew Crosby.

Résultats : si certaines organisations ont une vision de la jeunesse plutôt nuancée, d’autres structures n’intègrent pas du tout l’idée qu’il existe différentes situations NEET. Les premières vont ainsi proposer un accompagnement plus individualisé, quand les secondes offriront un accompagnement généraliste ou un service précis (comme une formation), ne prenant pas en compte d’autres problèmes sous-jacents.

Une problématique qui dépasse la question de l’emploi

Pour les chercheurs, le principal travers des stratégies mises en place par les pouvoirs publics est que la problématique des NEET est souvent réduite à une question d’employabilité, tout en individualisant la responsabilité de la situation.

« Ça repose sur l’idée qu’en travaillant sur soi-même et/ou en se formant, on trouvera un emploi. Ce qui est évidemment faux », soutient Andrew Crosby. « Aujourd’hui, dans notre économie, être diplômé ne va pas nécessairement garantir un travail, ou un travail bien rémunéré. En outre, comme on l’a vu, il y a le problème des inégalités sociales. Tout le monde ne part pas du même pied, où seule la formation fait défaut.»

Dans leur rapport final, les auteurs recommandent notamment aux autorités bruxelloises de redéfinir la catégorie sociale NEET, en considérant, par exemple, l’origine ethnique du jeune, l’indice socio-économique de son lieu de résidence, sa situation familiale, etc.

Ils préconisent également de rétablir la confiance avec cette jeunesse, en renforçant, entre autres, le développement d’infrastructures de quartier, comme des lieux de sociabilité. « Reprendre contact avec eux est la première chose à faire. Il est essentiel que ces jeunes ne se retrouvent pas totalement exclus de la société. Cela peut aussi les éloigner de certains milieux et fréquentations, comme, dans certains cas, les bandes criminelles, et ainsi les amener à envisager des alternatives dans leur parcours », conclut Andrew Crosby.

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