C’est une belle histoire « spatiale » entre l’Afrique et la Belgique qui vient de connaître un nouveau développement. Les recherches menées depuis 25 ans par les scientifiques du Centre d’étude de l’Energie nucléaire (SCK-CEN) de Mol, dans le cadre du programme spatial européen MELiSSA, trouvent depuis cet été une application bien terrestre au Congo.
La vedette de cette histoire s’appelle spiruline. Il s’agit d’une algue microscopique aux propriétés nutritionnelles fascinantes. “Elles présentent un contenu protéique allant de 60 à 70%”, indique Felice Mastroleo, de l’unité de microbiologie du SCK-CEN. “Et elles sont aussi particulièrement riches en diverses vitamines ainsi qu’en acides gras, indispensables au bon développement du cerveau. Bref: c’est là un excellent complément alimentaire pour des personnes dont les ressources en aliments sont limitées”. Comme les astronautes lors de longs voyages dans l’espace.
“Inspiration”, un projet au bénéfice de familles malnutries
C’est précisément sur la production de spiruline dans un environnement spatial que travaillent les chercheurs du SCK-CEN depuis 25 ans, dans le cadre du projet MELiSSA de l’ESA, l’Agence spatiale européenne. Avec de nombreux collègues en Europe, ils mettent au point de petits bioréacteurs capables de produire en continu ce type d’algues. Des bioréacteurs qui devraient un jour prendre place dans les engins spatiaux en route vers Mars, par exemple.
Avantage de la formule: les astronautes ne doivent pas emporter toute leur nourriture depuis la Terre pour un tel voyage. Par recyclage, ils devraient produire une partie de leur alimentation.
Au Congo, avec le projet « Inspiration » (INtroduction of SPIRulina in equatorial Africa To Improve lOcal Nutrition), du SCK-CEN, l’idée est identique. Il s’agit de faire produire par les familles malnutries un complément alimentaire utile: la spiruline.
“On passe du high-tech spatial à une technologie beaucoup plus simple”, concède Felice Matsroleo, qui a passé une partie du mois de juillet à Mooto, un village de la province de l’Equateur, non loin de la ville de Mbandaka (Congo), pour lancer le projet sur place.
Ecoutez Felice Mastroleo (SCK-CEN) expliquer les défis liés au passage d’un projet de recherche de laboratoire destiné à l’origine au secteur spatial vers une application terrestre beaucoup simple en Afrique.
L’idée est d’installer des bassins de production de spiruline à côté des habitations et de les dimensionner en fonction de la taille des familles. Un mètre carré suffit pour produire quotidiennement et très simplement (il suffit de remuer l’eau du bassin et ses algues trois fois par jour) la dose de spiruline nécessaire pour une personne.
“Utilisée fraîche ou séchée, cette spiruline, ajoutée aux légumes ou au manioc (base de l’alimentation locale), fournit alors un intéressant complément alimentaire”, souligne le Pr Hamid Aït Abderrahim, directeur-adjoint du SCK-CEN.
Le projet comprend différentes phases et est mené en collaboration avec deux partenaires locaux : le Centre de Développement rural de Mooto et l’Institut Supérieur de Développement Rural de Mbandaka.
Dans les mois qui viennent, une phase de production test devrait démarrer avec le concours d’une cinquantaine de familles congolaises. Le suivi “santé” de quelque 300 enfants démarrera également et s’étendra sur trois ans, afin de vérifier dans quelle mesure les apports en spiruline leur procurent un avantage pour leur croissance et leur développement.
Ecoutez le microbiologiste Felice Mastroleo préciser en quoi la spiruline peut avoir un impact sur le développement des enfants.
Et à propos, quel est le lien originel dans tous ces projets du SCK – CEN avec l’Afrique? C’est simple, conclut Felice Mastroleo « la spiruline utilisée provient à l’origine du Lac Tchad…».