Des loups domestiqués à l’ère glaciaire? Leurs molaires en témoignent

25 février 2020
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Lors de la dernière période glaciaire, les chasseurs-cueilleurs avaient déjà des chiens. C’est ce qu’a découvert une équipe internationale de chercheurs, notamment de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, en étudiant des traces d’usure sur des dents de canidés vieilles de 28.500 ans. Loup domestiqué et loup sauvage n’avaient, en effet, pas le même régime alimentaire. Le loup domestiqué était plus souvent nourri d’aliments plus durs comme des os alors que le loup sauvage continuait de manger de la nourriture plus tendre.

Le plus vieux chien du monde aurait 36 000 ans

Quand est-ce que les hommes ont fait du loup, un fidèle compagnon ? Paléontologues et généticiens débattent sur le sujet depuis des années. Selon les estimations, cette domestication date d’il y a 15 000 à 40 000 ans.

La dernière estimation vient en partie d’une découverte belge : le chien de Goyet. Selon des caractéristiques crâniennes, le crâne vieux de 36 000 ans, retrouvé dans les années 1860 dans la grotte de Goyet (près de Namur), devrait appartenir à un chien primitif. Il serait le plus vieux chien du monde. L’existence de loups domestiqués en République tchèque il y a 28 500 ans, même avant le pic de froid de la dernière période glaciaire, rend plus plausible l’hypothèse selon laquelle « le chien de Goyet » est un chien primitif.

Mais tous les chercheurs ne sont pas du même avis.

Chien Paléolithique de Předmostí des collections du Musée Morave à Brno (République tchèque). L’os était probablement inséré entre les dents de l’animal au moment de son mort dans le contexte d’un rituel. © Mietje Germonpré / IRSNB

Les molaires livrent leurs secrets

Une nouvelle méthode de recherche appelée « dental microwear texture analysis » indique la piste d’une domestication ancienne. Avant le pic de froid de la dernière ère glaciaire, il y a environ 23 000 ans, les hommes apprivoisaient les loups.

Des chercheurs américains ont minutieusement examiné les traces d’usure sur les molaires de 19 mandibules de chiens primitifs et de loups exhumés à Předmostí en République tchèque.

Lors d’une étude antérieure menée par la paléontologue Mietje Germonpré (Institut royal des Sciences naturelles de Belgique), ces fossiles avaient déjà été classés comme des loups et chiens primitifs sur base de leur apparence. Ces chiens ont une mandibule plus courte et plus robuste qui est mieux adaptée pour ronger des aliments plus durs.

Les analyses des traces d’usure sur les molaires – la deuxième molaire précisément – révèlent bel et bien l’existence de deux groupes. Les molaires des spécimens canidés présentent des sillons plus profonds. Il s’agit du patron des animaux rongeant plus souvent des aliments durs comme des os. Les dents des loups présentent moins de traces d’usure.

Comparaison des mandibules d’un chien primitif (en haut) et d’un loup (en bas) du site Předmostí (collections Musée morave, Brno, République tchèque). Les chiens ont une mandibule plus courte et plus robuste qui est mieux adaptée pour ronger des aliments plus durs © Mietje Germonpré / IRNSB

Une fois domestiqué, le loup change de régime alimentaire

Les chercheurs attribuent ce régime alimentaire différent à la domestication. Mietje Germonpré, qui a collaboré à cette étude, explique: « les chiens vivaient avec les hommes et recevaient sans doute les restes de nourriture – les os et carcasses – de rennes et de bœufs musqués, par exemple. »

« Les loups, eux, vivaient plus loin des hommes et mangeaient souvent de la nourriture tendre, comme des cadavres de mammouths et de chevaux », conclut-elle.

Usure de la deuxième molaire inférieure pour les chiens (à gauche) et les loups (à droite) de Předmostí. Les molaires des spécimens des chiens présentent des sillons plus profonds. Il s’agit du patron des animaux rongeant plus souvent des aliments durs comme des os. Les dents des loups présentent moins de traces d’usure. (échelle : 5,5 μm) © University of Arkansas

 

Haut depage