Financé par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne, le projet Barbara (Biopolymers with Advanced functionalities foR Building and Automotive paRts processed through Additive manufacturing, a présenté les principaux résultats atteints lors de sa dernière conférence. Les dix partenaires scientifiques et industriels impliqués dans ces recherches (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie et Suède) ont pu marquer leur satisfaction. Ils ont, en effet, réussi à développer une technologie innovante pour produire des biopolymères à partir de déchets agroalimentaires pour l’industrie automobile et la construction. Et d’autres débouchés se profilent à l’horizon de cette bio-industrie en plein développement.
Le projet répond à une question aujourd’hui essentielle : comment rendre notre économie circulaire et réduire l’impact des processus industriels sur l’environnement ? Ou, en d’autres termes, comment une entreprise peut-elle recycler ses déchets et générer sa propre énergie pour boucler une boucle vertueuse ?
300 kilos de déchets par an
Un défi majeur, que les partenaires de Barbara relèvent depuis mai 2017, emmenés par la dynamique María del Carmen Garrigós de l’université d’Alicante: « Nous avons réussi à développer des outils pour valoriser les déchets agro-alimentaires, notamment grâce à des techniques d’extraction “vertes”, et produire ainsi des biopolymères à haute performance ainsi que différents bioadditifs à haute valeur ajoutée et répondre ainsi à une demande croissante de la part de la société. »
Grâce à des filaments générés par impression 3D, les partenaires ont produit des prototypes d’accessoires automobiles qui ont été testés au centre de recherche de Fiat en Italie : notamment des composants de tableau de bord et des poignées de portes avec toute une gamme de couleurs, de parfums, d’effets visuels, et même de composants antimicrobiens. Suite à la poussée des produits « verts », certaines marques automobiles proposent désormais des intérieurs avec des cuirs 100% végétaux.
Pour Alfonso Jiménez, également basé à Alicante, le potentiel est énorme : « Nos pays produisent près de 300 kilos de déchets alimentaires par personne et par an. Ceux-ci sont pour l’essentiel “jetés à la poubelle” alors que tous recèlent des substances à haute valeur ajoutée. » Notamment des peaux d’orange, écorces de citron, pelures de tomate, coques d’amande et autres résidus de brocoli. Tous sont exploités par les chimistes de Barbara, qui en ont extrait des colorants, des agents antibactériens, des parfums, des agents de texture, etc.
Le poids de la « bioéconomie »
« À partir du citron, on peut extraire un colorant jaune, mais aussi des huiles essentielles au parfum de citron qui sont utiles pour donner cette odeur et des propriétés antibactériennes au produit final que nous voulons développer. La grenade permet, quant à elle, d’obtenir des additifs antibactériens et une très large gamme de couleurs – du rouge au bleu – selon le processus chimique utilisé en laboratoire. Le brocoli nous donne un colorant naturel vert, une couleur qui attire l’œil. Quant aux coques d’amande, une fois moulues et mélangées à des bioplastiques, elles peuvent avoir une texture similaire au bois », poursuit María del Carmen Garrigós.
« Les deux principaux défis concernent la mise au point de techniques d’extraction performantes et la construction de biorafineries pour produire en quantité des matériaux et faire le lien entre les producteurs de biomasse et les consommateurs », précise Alfonso Jiménez.
Le marché des bioplastiques devrait connaître une expansion de 30% d’ici 2030. Les déchets agro-alimentaires intéressent également l’industrie cosmétique, textile, médicale et pharmaceutique entre autres. La bioéconomie européenne représente actuellement un chiffre d’affaires de 2.000 milliards d’euros et 22 millions d’emplois.
Le lent démarrage de la voiture électrique
Partenaire belge du projet, Celabor a participé au développement et à la montée en échelle des processus d’extraction préalablement validés en laboratoire.
Pour son directeur général, Yves Houet, Barbara reflète clairement une tendance lourde de l’industrie actuelle. « Le défi majeur de ce type de projet est de réussir à interfacer les capacités/besoins des industriels et la demande de la société. Pour ce faire, notre rôle est d’identifier les technologies les plus performantes, d’une part ; et d’accroître la circularité dans la bioéconomie, d’autre part. »
« Les consommateurs sont de plus en plus volontaires à acheter ces produits biosourcés, quitte même à payer un peu plus cher. Mais, pour que ces solutions perdurent, on doit pouvoir en garantir l’impact global positif sur l’environnement. »
« Il en va de même dans d’autres domaines d’actualité tels que l’emballage, par exemple. Si l’on tient compte de tous les éléments de la chaîne de transformation et d’utilisation, si l’on fait une analyse objective du cycle de vie du produit, la solution bio-basée ne s’avérera pas systématiquement la plus raisonnée, encore plus si elle comprend un obstacle à la circularité. »
« Regardez à quel point la voiture électrique a eu de mal à s’imposer. La société peut accélérer l’innovation, mais elle peut aussi la freiner si on ne prend garde à l’accompagner dans toutes ses dimensions. Notre rôle de techniciens et de scientifiques est d’objectiver, de rationaliser, et si une solution plus vertueuse existe, de tendre vers elle. Ce n’est pas demain que tous nos produits seront bio-basés, mais c’est une belle motivation que d’y travailler.»
Vu le succès, la coordinatrice de Barbara, Marta Redrado, du Centre technologique AIITIP basé à Saragosse, souhaite donner une suite à ces travaux, sous la forme d’un projet de démonstration afin de passer à l’échelle semi-industrielle. Et d’aborder également les aspects légaux, de normalisation, d’étiquetage européen etc.
Elle en profite aussi pour partager sa vision et son expérience : « Le rôle de la Commission européenne est important pour ce type de projet, mais le succès vient d’une convergence d’innovations, de l’éducation, de synergies et d’investissements/financements. C’est à ces conditions que la bioéconomie circulaire deviendra une réalité. »