Les plus faibles n’ont pas à supporter le coût de la transition énergétique

25 mars 2022
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Les personnes vulnérables reconnaissent l’importance de lutter contre le changement climatique, mais se sentent démunies quand il s’agit d’y faire face. Elles estiment qu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour agir. Et considèrent que le gouvernement, les grandes entreprises et les plus nantis doivent supporter les coûts de la transition énergétique. Telles sont les principales conclusions des groupes de discussion menés avec plus de 900 personnes vulnérables dans neuf pays européens, dans le cadre du projet ‘Fair Energy Transition for All’, coordonné par la Fondation Roi Baudouin.

Le terme «personnes vulnérables» fait référence à des groupes socialement ou économiquement défavorisés et dont les intérêts ne sont souvent pas suffisamment représentés dans les débats politiques. Cela comprend les chômeurs, les personnes à faible revenu, les parents isolés, les jeunes ou les personnes âgées ainsi que les travailleurs menacés par la perte potentielle de leur emploi. Ces groupes ont tendance à souffrir beaucoup plus que les autres des effets négatifs des politiques environnementales et sont exclus de la plupart des avantages qui en découlent.

La transition énergétique consiste en une série de changements majeurs dans les systèmes de production et de consommation. Elle implique notamment le passage des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) à un système énergétique basé sur des énergies renouvelables, telles que le biogaz, l’éolien et le solaire.

Sous l’impulsion de la Fondation Roi Baudouin, un consortium de fondations philanthropiques mène depuis 2020 le projet ‘Fair Energy Transition for All’ dans neuf pays européens (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Italie, Pays-Bas et Pologne). Au total, 90 groupes de discussion ont été menés dans les neuf pays avec 900 citoyens vulnérables en proie à des difficultés, afin d’écouter leurs préoccupations et d’intégrer celles-ci dans le développement de politiques énergétiques et tarifaires équitables.

La transition énergétique, un concept méconnu

En Belgique, 11 groupes de discussion avec des personnes vulnérables ont été organisés entre novembre 2020 et octobre 2021 afin d’évaluer l’impact social de la transition énergétique.

Qu’est-ce qui, selon eux, rend cette transition équitable ? Les sujets discutés touchaient à la consommation d’énergie, au changement climatique, au logement, à la mobilité et aux solutions à mettre en place pour lutter contre le changement climatique.

Les résultats montrent que personne ne minimise, ni même ne nie le problème du changement climatique. Si les participants témoignent d’une bonne compréhension du phénomène du réchauffement climatique, il n’en va pas de même de la transition énergétique : ce concept leur est pratiquement inconnu.

Pour les personnes interrogées, le changement climatique est souvent associé aux conséquences concrètes qu’elles ressentent au quotidien ou dont elles entendent parler dans les médias.

Beaucoup identifient d’une part un ‘problème climatique’, largement compris et partiellement confondu avec d’autres problèmes environnementaux (ex. : pollution), qui se manifeste de manière très concrète (ex. : catastrophes naturelles). D’autre part, la hausse des prix de l’énergie qui accroît les difficultés économiques de ces groupes déjà vulnérables, sans qu’ils considèrent comme évidente la relation de cause à effet entre les deux.

Des mesures injustes pour les plus faibles

La plupart des participants étant locataires, ils estiment ne pas avoir de levier pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. Leurs voitures, souvent d’anciens petits modèles, sont synonymes d’autonomie et de liberté. Ils trouvent injustes les zones de basses émissions, qui les pénalisent directement. Enfin, ils jugent les transports en commun indispensables en milieu rural, mais toutefois insuffisants, peu fiables et coûteux.

Comme dans d’autres pays européens, les participants belges- et surtout les plus vulnérables – se sentent impuissants face aux multinationales qui, à leurs yeux, sont libres de continuer à polluer. Ils estiment qu’on leur fait porter une charge disproportionnée (ex. : hausse des coûts de l’énergie, écotaxes…) et qu’on attend d’eux qu’ils résolvent le problème, alors que leur responsabilité est très limitée.

Des pistes pour l’avenir

À l’avenir, les participants souhaitent être clairement informés. Ils demandent que des mesures d’accompagnement de la transition énergétique pour les personnes les plus vulnérables soient développées. Ils sont réticents aux mesures contraignantes, assorties d’obligations et d’interdictions qui ne correspondent pas à leur situation personnelle, et sont très attachés à la liberté individuelle.

Les participants craignent également que la transition énergétique ne conduise à l’avènement d’une société hyper-technologique, dans laquelle l’homme n’aurait plus sa place. Ils estiment normal que ‘le pollueur paie’, mais il faut que ce soit socialement juste et équilibré.
Les conclusions de l’ensemble des groupes de discussion ont été compilées dans un rapport. Ces données vont être analysées par des experts, qui formuleront, en collaboration avec des personnes vulnérables qui ont participé aux groupes de discussion, des recommandations à l’intention des pouvoirs publics.

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