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« Le secteur agricole n’a pas le choix. S’il veut survivre et remplir ses missions, il doit évoluer ». Le constat du Pr Philippe Baret (UCL) est limpide. L’agriculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’est ni durable, ni rentable. En Europe, elle survit grâce aux primes. Elle est tiraillée entre un souci d’efficacité toujours plus grande et les coûts qu’elle engendre d’un point de vue environnemental, sociétal, mais aussi en ce qui concerne la santé.
Une transition plutôt qu’une révolution
« Si on opte pour une nouvelle agriculture de qualité, sans doute plus chère, y compris pour le consommateur, nous assisterons par la même occasion à une diminution des coûts en ce qui concerne la santé publique », prédit-il. « Mieux produire, c’est mieux manger et dès lors être en meilleure santé. Cela nécessite un changement de mentalité globale ».
Une révolution ? Aux yeux de l’agronome et généticien de la Faculté d’ingénierie biologique, agronomique et environnementale de l’UCL, il vaut mieux parler de transition. Comme on parle de transition énergétique, de transition en ce qui concerne la mobilité.
« En agriculture comme dans les autres domaines concernés, le régime dominant est à bout de souffle. Par ailleurs des niches d’innovation émergent », indique le chercheur. « L’idéal est de déterminer comment on peut soutenir les innovations dans le secteur et les aider à se connecter entre elles pour aboutir à un nouveau modèle, à une alternative durable ».
La piste de l’agroécologie
« Cette transition, cette évolution peut passer par la mise en place d’aménagements », estime le Pr Baret. « Ou par une reconfiguration plus profonde. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle approche. Sa mise en place prendra du temps, une dizaine d’années au moins, mais c’est une réelle opportunité pour les jeunes agriculteurs. C’est également une opportunité pour revaloriser ce métier », précise le généticien.
Les verrous à faire sauter sont multiples. Ils ne portent pas que sur les acteurs directs de l’agriculture. Les transformateurs sont aussi concernés, de même que la manière dont les consommateurs s’alimentent.
« La pizza à un euro cinquante, cela n’a pas de sens, » s’emporte le scientifique. « Par contre, comme le dit Olivier De Schutter, qui est une des personnes qui inspirent ce modèle d’agroécologie, « l’objectif est de manger comme nos grands-parents et de produire comme nos petits-enfants ».
Pour le spécialiste, il faut faire un retour vers une alimentation moins transformée, basée sur des productions locales, des produits frais, de saison, tout en inventant, pour cette alimentation à l’ancienne, des modes de production nouveaux. “On ne va pas retourner à une agriculture réalisée avec des chevaux”, martèle-t-il. “Cela passera plutôt par la mise en place d’une agriculture urbaine, des nouveaux modes de production maraîchère, etc”.
Rendez-vous au Collège Belgique
Le Pr Philippe Baret et son collègue parisien Bernard Chevassus-au-Louis donneront mercredi 4 mars prochain une conférence publique sur ce thème au Collège Belgique, à Bruxelles. Intitulée « L’agriculture au XXIe siècle : comment nourrir l’humanité de manière durable ? », leur leçon prendra sans doute la forme d’un débat sur la pertinence ou non de l’agroécologie. Elle se tiendra au Palais des Académies. L’accès à la conférence est gratuit. La réservation est souhaitée.