Lors de la réunion ministérielle de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, ont été annoncées la sélection et l’intégration d’un nouvel astronaute belge en son sein: l’ingénieur et docteur en neurosciences Raphaël Liégeois. Cette grand-messe a aussi, voire surtout, permis de concrétiser les engagements budgétaires des 22 états membres de l’agence et des cinq états associés ou coopérants pour les années à venir. Ce budget est en hausse de 17 % par rapport à celui de la session du Conseil au niveau ministériel de 2019. Il se chiffre désormais à 16,9 milliards d’euros.
La plus grande part (19%) de ce budget est dédiée au programme scientifique de l’ESA. Viennent ensuite le transport spatial, l’observation de la Terre et les activités d’exploration humaine et robotiques. Ce quartet mobilise 70% du budget global de l’Agence.
« Les enjeux climatiques et le développement durable resteront la première priorité de l’ESA. Nos activités scientifiques et d’exploration seront source d’inspiration pour les générations à venir et nous allons construire un cadre dans lequel les entrepreneurs européens du secteur spatial pourront prospérer », a commenté Josef Aschbacher, le Directeur général de l’ESA.
Davantage de budget
La Belgique est le 5e bailleur de fonds de l’ESA en chiffres absolus, juste devant l’Espagne, mais loin derrière la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni.
Comme la grande majorité des états membres, la Belgique a sensiblement augmenté sa participation financière à l’ESA. Le gouvernement fédéral belge avait décidé, quelques jours avant le Conseil de l’ESA, de faire passer les moyens financiers alloués à sa politique spatiale d’environ 275 millions d’euros par an actuellement à 325 millions par an pour les cinq prochaines années.
De cette somme, 305 millions annuels sont désormais dédiés aux seuls projets initiés par l’Agence spatiale européenne (ESA). Le reste du budget spatial belge allant à d’autres acteurs spatiaux intergouvernementaux dont la Belgique est un état membre, voire, comme pour l’ESA, un des états fondateurs.
C’est le cas d’EUMETSAT, l’Agence européenne en charge de l’exploitation des satellites météorologiques, ou encore l’ESO, l’Observatoire austral européen. Le reliquat des financements spatiaux belges allant à des cofinancements d’activités de l’Union européenne et à des initiatives nationales.
Un support accru à l’Europe spatiale
Pourquoi avoir ainsi dopé (+17%) le budget de l’Agence spatiale ? Plusieurs faisceaux de réponses sont possibles. Il y a, bien sûr, la situation internationale et l’arrêt des collaborations avec le partenaire russe dans ce secteur. Une mission planétaire compromise depuis cette rupture a désormais été recyclée : le rover martien Rosalind Franklin, de la mission Exomars qui aurait dû décoller cette année pour la Planète rouge grâce à une fusée russe Proton, sera lancée par une fusée américaine, en 2026 au plus tôt. Les adaptations nécessaires engendrent des coûts supplémentaires.
Pour la Belgique encore, on notera que l’augmentation de sa contribution à l’ESA aura peut-être pu faire pencher la balance en faveur du recrutement du nouvel astronaute belge. Mais on espère, toutefois, que ce sont les qualités intrinsèques, humaines et scientifiques du candidat qui auront eu le plus de poids.
D’un point de vue plus économique, la Belgique bénéficie comme tous les états membres de l’ESA de ce qu’on appelle le retour industriel. En théorie, chaque euro investi dans l’ESA revient à l’état membre sous forme de commandes industrielles. Globalement, pour la Belgique, c’est une bonne affaire. Et ce, depuis des années.
Comme l’expliquait à Paris le Secrétaire d’Etat en charge de la Politique scientifique fédérale, et donc du secteur spatial fédéral, Thomas Dermine (PS), « au cours de la période 2016-2020, chaque euro investi par le biais de l’ESA équivalait à 3,35€ de chiffre d’affaires additionnel.»
Comme l’économie spatiale se développe rapidement et est considérée comme le prochain grand marché mondial, des demandes commerciales apparaissent dans un nombre croissant de domaines. Les investissements publics peuvent donc être considérés comme les catalyseurs de futurs secteurs économiques et en amont, scientifiques.
Les priorités stratégiques de la Belgique
A l’occasion de la réunion ministérielle de l’ESA, Thomas Dermine a aussi précisé quelles étaient les lignes de force de la politique spatiale belge. Elles reposent sur quatre piliers.
Le premier concerne le spatial pour la Terre et la société. Il vise à valoriser au maximum les investissements dans les technologies vertes, émergentes et établies dans l’espace pour répondre aux grands défis sociétaux en termes de changement climatique, de gestion des risques et des crises.
Le deuxième est axé sur la connaissance et l’entrepreneuriat. Ici, il s’agit de maximiser la contribution des activités spatiales à l’économie de la connaissance, en plaçant la recherche scientifique fondamentale à la source de l’innovation technologique. L’objectif est de développer une industrie spatiale viable, avec une politique qui s’oriente de plus en plus vers une approche « New Space » tout en développant une expertise en matière de niches stratégiques.
Vient ensuite le spatial en tant que source d’inspiration. Pour sensibiliser le grand public et les acteurs du spatial à l’importance socio-économique de l’espace. Une attention particulière est accordée à l’astronomie et à l’exploration spatiale en interaction avec l’enseignement en vue de promouvoir les carrières dans les STEM (Sciences, techniques, ingénierie et mathématiques).
Enfin, le dernier pilier concerne le spatial pour l’autonomie stratégique. Cela concerne particulièrement la cybersécurité et la météorologie spatiale, les télécommunications et l’accès à l’espace. Sans oublier la navigation et l’observation de la Terre.