La galaxie des Chiens de Chasse Messier 51, photographiée à l’Observatoire de Namur avec une caméra CCD dotée de filtres anti-pollution lumineuse. Il y a peu de bruit et elle est le fruit de l’accumulation d’images prises en poses longues poses © André Füzfa/ Observatoire astronomique Antoine Thomas de l’Université de Namur

L’astrophoto pour percer les mystères de l’Univers

29 juin 2020
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 5 minutes

Série (1/5) : « La Science en images »

A l’Observatoire astronomique Antoine Thomas de l’Université de Namur, l’astrophotographie a une double fonction. Montrer les objets célestes sous leurs plus beaux atours, notamment les rendre accessibles au grand public, et puis ouvrir la porte aux étudiants vers des applications plus scientifiques, plus avancées. Avec comme exemples, les multiples découvertes réalisées par les astroamateurs.

Deux familles de capteurs : CCD et CMOS

A chacun de ces desseins, son capteur particulier. Les CCD sont les capteurs professionnels, dotés d’une électronique et d’une construction particulières. Ce sont des capteurs à bas bruit et à haute qualité. Ils sont généralement refroidis. Leur qualité de mesure est forte. Ils peuvent mesurer l’intensité lumineuse et la convertir en courant électrique.

Les astroamateurs les utilisent massivement pour faire avancer la science, dans les domaines qui leur sont délégués par les astronomes professionnels. Ces capteurs leur permettent de détecter des astéroïdes (notamment le deuxième astéroïde interstellaire en août 2019), de mesurer les paramètres orbitaux des satellites, de rechercher des supernovæ ou des novæ dans les galaxies ou encore des transits d’exoplanètes. Mais aussi de mesurer les courbes de lumières des étoiles variables.

Quant aux capteurs CMOS, moins chers, ils donnent de très bons résultats en photographie, mais ne sont pas adaptés pour réaliser des mesures fines. Ils peuvent avoir beaucoup de sensibilité (on peut apporter des modifications d’ISO, l’intensité lumineuse) et sont rarement refroidis. Par ailleurs, ils captent et amplifient indifféremment la lumière qui passe devant eux, générant beaucoup de bruit sur les clichés. « Ce sont des capteurs développés pour les photos en plein jour et l’imagerie planétaire. Ils sont de plus en plus utilisés comme technique pour le ciel profond », précise André Füzfa, professeur de mathématiques à l’UNamur et responsable de l’Observatoire.

La galaxie des Chiens de Chasse Messier 51, photographiée à l’Observatoire de Namur avec une caméra planétaire CMOS sans filtres. Il y a beaucoup de bruit et elle est le fruit de l’accumulation d’un très grand nombre d’images prises en poses courtes © André Füzfa/ Observatoire astronomique Antoine Thomas de l’Université de Namur

Un exemple parlant

Concrètement, ça donne quoi ? La photo de Une montre la galaxie des Chiens de Chasse Messier 51, photographiée à l’Observatoire de Namur avec une caméra CCD dotée de filtres anti-pollution lumineuse. Elle résulte de l’accumulation d’images prises en poses longues (5 minutes), et révèle peu de bruit.

Quant à la photo 2, elle reflète les mêmes étoiles, mais prises avec une caméra planétaire CMOS dénuée de filtres. Elle est le fruit de l’accumulation d’un très grand nombre d’images prises en poses courtes. Résultat : il y a beaucoup de bruit.

« Attention que les télescopes utilisés pour ces deux images sont différents, donc on ne peut pas complètement comparer les images, mais cela permet d’avoir une idée du rendu des deux techniques », précise Pr Füzfa.

« Avec le capteur CMOS, on fait des poses courtes de 30 secondes, parfois de une minute. L’avantage de faire des courtes poses, c’est que l’effet de la rotation de la Terre se ressent moins, les défauts des instruments sont moins marqués et, qu’il y a moins de risques d’être parasité par une turbulence ou un satellite passant devant l’objectif. Par contre, il faut une taille de disque dur énorme et beaucoup de post-traitement. Les photos individuelles, lourdes chacune de 50 Mégas, sont médiocres, on voit à peine le noyau des galaxies, mais quand on en cumule plusieurs centaines, le signal ressort et les détails du sujet apparaissent », poursuit-il.

L’esthétisme pour rendre l’astronomie accessible

« L’astrophotographie est un loisir en soi, qui utilise des techniques développées en recherche à des fins esthétiques et artistiques. Ce qui permet aussi de s’émerveiller. A l’Observatoire de Namur, qui a ouvert ses portes en septembre 2019, on va essayer de trouver le bon équilibre entre les deux objectifs: scientifiques (= faire des mesures) et artistiques, les deux participant à l’éveil scientifique », explique Pr André Füzfa.

Les grands instruments tels le VLT (Very Large Telescope) de l’ESO installé dans le désert d’Atacama au Chili, mais aussi les télescopes spatiaux, ne sont pas conçus pour optimiser l’aspect artistique. Même s’ils peuvent le faire.

Le télescope spatial Hubble en est un bel exemple. Véritable star qui en 30 ans de service a permis, à tous, scientifiques comme grand public, de voir des choses jamais observées , comme des disques planétaires en formation. Pour ce faire, des astroamateurs ont développé des techniques spécifiques pour améliorer le rendu de ses images. « La palette de fausses couleurs créée (the Hubble palette: Halpha-OIII-SII, etc.), d’abord à des fins scientifiques, est maintenant un grand classique de l’astrophoto », précise Pr Füzfa. « Cela a contribué à populariser l’engin et l’astronomie.»

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