Depuis sa création en 2015 par Pr Eric Haubruge et Dre Dorothée Goffin, le Smart Gastronomy Lab, le laboratoire des sciences gastronomiques de l’ULiège, a participé au lancement de plusieurs start-up. Il y a, bien sûr, la « miam factory », qui se concentre sur l’impression 3D en chocolat et la gravure laser sur macaron. Une autre, dénommée Living Forest, vient de voir le jour. « Elle développe des boissons de type kombucha au départ de produits naturels de la forêt wallonne », explique Dre Dorothée Goffin. Leur nom ? So Wood !
« La start-up est issue des recherches menées au SGL par Eric Haubruge, Gaëtan Richard et moi-même. Elle est développée par le start-up studio BXVentures actif dans la “cleantech” (celle-ci se caractérise par des techniques et services industriels visant une moindre consommation de ressources naturelles, moins de déchets, tout en assurant une performance identique, voire supérieure, aux technologies existantes, NDLR). Son CEO est un jeune entrepreneur, Louis Falisse. C’est un travail d’équipe! »
Kombucha, késako ?
Au féminin, kombucha désigne la boisson pétillante obtenue en fin de processus. Au masculin, le mot, d’origine mongole, désigne la souche (aussi appelée « la mère ») servant à fermenter la boisson.
Cette « mère » kombucha a des allures de crêpe brunâtre, brillante et gélatineuse. Lorsqu’elle n’est pas utilisée pour fabriquer une boisson pétillante, elle vit dans une substance nutritive de thé sucré, dans laquelle elle se multiplie.
Sa composition ? Une myriade de micro-organismes qui contribuent à la saveur acidulée et au pétillant de la boisson. Toutes les mères kombucha ne sont pas identiques, mais elles sont nombreuses à contenir des bactéries aérobies, Acétobacters, produisant des acides acétique (vinaigre) et gluconique. Mais aussi Saccharomyces et Brettanomyces, des levures produisant de l’alcool pouvant vivre en aérobie et en anaérobie.
A noter que si de l’alcool est formé à un moment donné du processus de fermentation, il est transformé en acide acétique une fois ce dernier arrivé à son terme.
La réalisation de la boisson est simple, mais requiert plusieurs étapes. Après avoir fait infuser du thé dans de l’eau bouillante, y avoir ajouté du sucre et du liquide dans lequel baignait la mère kombucha, il s’agit de déposer celle-ci sur le liquide (côté brillant vers le haut). Placez ensuite un linge sur l’ouverture du récipient pour empêcher les insectes d’y pénétrer. Après une semaine, la boisson devra être filtrée. Elle sera bonne à déguster, mais sera plate. Pour la faire pétiller, il faudra la placer durant environ 3 jours dans une bouteille étanche à joint de caoutchouc.
Processus participatif
Ces boissons vivantes, gorgées de probiotiques, et dont on peut faire varier le goût en ajoutant différents ingrédients, ont le vent en poupe. Particulièrement parmi les citoyens actifs dans la transition écologique et sociale.
« Le premier produit développé par la start-up est une boisson kombucha agrémentée de bourgeons, d’épines de pin, d’écorces, de feuilles, tous issus des forêts de Wallonie », précise Dre Goffin.
Pour s’assurer de l’adhésion des futurs consommateurs, un ” focus group ” a eu lieu au printemps 2023 à Gembloux Agro-Bio Tech. Une douzaine de citoyens ont participé à une journée « partageant leur avis et aidant ainsi la jeune start-up à mieux comprendre les attentes des consommateurs. Ils ont eu l’opportunité de découvrir la nouvelle boisson en avant-première, et de l’essayer avant son lancement sur le marché. Ils ont eu l’occasion de s’exprimer sur le goût, évidemment, mais aussi sur la couleur, l’odeur, la sensation en bouche de la boisson et ce que cela évoque et provoque chez eux (agréable, surprenant, dérangeant, interpellant, attirant, etc.). »
Contrer la néophobie
Manger et boire, ce n’est pas juste ingérer des molécules, l’acte revêt une dimension culturelle et émotionnelle forte. C’est ainsi que changer ses habitudes n’est pas chose facile, surtout pour aller vers des aliments ou des boissons au goût totalement nouveau et issus d’un procédé de fabrication qui sort de l’ordinaire. Et ce, même s’ils sont sains et naturels.
Une étude est en cours avec Anne-Marie Etienne, professeure de psychologie à l’ULiège afin de mesurer les facteurs de néophobie autour des boissons fermentées kombucha. « La néophobie, intrinsèque à l’humain, est le fait d’avoir peur de manger ou de boire un aliment que l’on n’a jamais consommé auparavant. »
« Si on explique les bienfaits de la boisson aux consommateurs, cela a-t-il un impact sur leur degré d’appréciation de celle-ci ? Outre les analyses sensorielles classiques de l’appréciation du goût, nous voulons aller plus loin et savoir pourquoi certains aiment et d’autres n’aiment pas le nouveau produit. Mais aussi, savoir ce que ce dernier provoque comme sensations lorsque le consommateur le voit, puis lorsqu’il le boit. Et ainsi déterminer les améliorations à réaliser afin de le faire apprécier et mieux accepter par le consommateur », conclut la Dre Goffin.