Série (2/5) : « La Science en images »
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) couplée avec l’électroencéphalographie (EEG) est une technique diagnostique. Grâce à un index qu’elle a créé en collaboration avec l’université de Milan, la Dre Olivia Gosseries, chercheuse et co-directrice du Coma Science Group de l’ULiège, l’utilise pour déterminer l’état de conscience.
La nature du signal électrique révèle la conscience
Un patient est coiffé d’un filet bleu contenant 64 électrodes qui enregistrent l’activité du cerveau stimulé magnétiquement avec une bobine. S’il est conscient, la réponse captée par l’EEG sera intégrée et différenciée (voir image de Une). Au contraire, s’il est inconscient, la réponse électrique sera locale, stéréotypée, simple.
En effet, chez une personne consciente, ou qui est en train de rêver, ou en état de conscience minimale (c’est-à-dire qui a récupéré des signes de conscience après un coma, mais qui n’arrive pas à communiquer) ou en locked-in syndrome (c’est-à-dire une personne consciente, mais quadriplégique) : le cerveau, une fois stimulé par la bobine magnétique, réagit de façon complexe et durant une durée relativement longue. L’information se propage dans tout le cerveau. La réponse sera différente si on regarde à l’avant du cerveau ou à l’arrière du cerveau.
Au contraire, chez les personnes inconscientes, en sommeil profond sans rêve, sous anesthésie générale qui ne rapportent pas avoir expérimenté quoi que ce soit pendant la narcose, ou encore chez les personnes en état de syndrome d’éveil non répondant (c’est-à-dire qui ont récupéré du coma, ont ouvert les yeux, mais ne sont pas conscients et ne présentent que des réflexes) : lorsque leur cerveau est stimulé par une bobine magnétique, celui-ci réagit, certes, mais la réaction se limitera au niveau local, à l’endroit de la stimulation. L’onde électrique est lente et ne se propage pas au reste du cerveau.
Naviguer dans le cerveau
Pour déterminer l’état de conscience, il est important de stimuler spécifiquement une portion du cerveau qui est dénuée de lésions. Pour les localiser, les scientifiques utilisent l’IRM du patient.
La bobine est appliquée sur une région préservée qui n’est pas plus grande qu’un centimètre carré. Afin de pouvoir répéter la stimulation, laquelle pénètre dans le cerveau jusqu’à 4-5 cm de profondeur, exactement au même endroit, les scientifiques utilisent un outil numérique (voir photo) : il s’agit de maintenir une petite boule au centre des trois cercles concentriques.
Un index diagnostique
En collaboration avec l’équipe du professeur Marcello Massimini de l’université de Milan, Olivia Gosseries et son équipe ont développé un « index de complexité perturbationnelle » (PCI).
« L’information électrique générée dans le cerveau sous l’effet de la stimulation est observée à la fois dans le temps (jusqu’à 400 millisecondes) et dans l’espace (à l’avant – zone préfrontale- ou à l’arrière – zone pariétale et occipitale – du cerveau). Elle est zippée, comme on le ferait d’un dossier, et on obtient un chiffre compris entre 0 et 1», explique-t-elle.
Le chiffre-clé est 0,31. En-dessous de ce seuil, la personne est inconsciente. Au-dessus, elle est consciente.
Ce diagnostic tiré de l’imagerie a toute son utilité. En effet, au chevet du patient, en se basant seulement sur l’interprétation de son comportement, les erreurs diagnostiques de conscience sont légion. Elles avoisineraient les 40 %.
Or, une personne consciente a plus de chance de récupérer par la suite. Elle va plus facilement bénéficier de traitements thérapeutiques, pharmacologiques, mais aussi des séances de tDCS (stimulation transcrânienne à courant continu) de manière répétitive pendant plusieurs semaines. Par ailleurs, les attitudes des proches et du personnel médical envers la personne peuvent être différentes en fonction de l’état de conscience du patient.
Evaluer la TMS comme traitement
« Actuellement, pour déterminer l’état de conscience, on stimule le cerveau avec la TMS toutes les 2-3 secondes, pendant quelques minutes. Et on observe juste ce qu’il se passe. Cette technique peut également être utilisée pour activer ou désactiver le cerveau. Et donc, on peut potentiellement modifier l’activité du cerveau, et en conséquence le comportement physique de la personne, dans le cadre d’un traitement. Cela fera l’objet d’un futur projet de recherches qui débutera en septembre », explique Dre Olivia Gosseries.
« Des études semblent montrer des améliorations comportementales après quelques sessions de 20 minutes. Comme elles sont des cas isolés ou en « open-label » donc non contrôlées (c’est-à-dire sans groupe témoin), on va mettre en place une étude rigoureuse afin de réellement déterminer l’effet thérapeutique de cette technique, et de voir ce qui change dans le cerveau. On suspecte des effets positifs sur des personnes en état de conscience minimale », conclut-elle.