Des biocomposites à base de lin ou de chanvre

30 décembre 2020
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Les matériaux composites, constitués de deux ou de plusieurs matériaux combinés entre eux pour obtenir de meilleures propriétés, sont partout. Ils se retrouvent dans les automobiles, les trains, les avions, les bateaux, les panneaux de circulation et bien d’autres domaines. Leur recyclage pose problème. Développer des composites renforcés à l’aide de fibres végétales locales, les rendant plus légers et performants que les composites intégrant des fibres de verre tout en diminuant leur impact délétère sur l’environnement. C’est ce à quoi se sont attelés, durant 4 ans, les chercheurs transfrontaliers du projet européen Composens. Ils se sont focalisés sur le lin et le chanvre, deux végétaux cultivés en abondance dans la zone géographique couverte par le programme Interreg France-Wallonie-Vlaanderen.

(c) Composens

La cellulose, un constituant très résistant

Les fibres végétales, ou biomasse, sont constituées de trois biopolymères principaux : cellulose, hémicellulose, un polymère ramifié composé de différents types de sucres, et lignine, un réseau de molécules aromatiques s’arrangeant de façon très complexe.

La cellulose est le polymère le plus abondant sur notre planète et au sein des fibres de lin et de chanvre (80%). Les différentes chaînes linéaires qui le structurent lui confèrent une grande résistance mécanique (module de Young et résistance à la traction). « Les experts estiment qu’une molécule de cellulose a une résistance mécanique de l’ordre de 140 Gigapascals. A titre de comparaison, une section en cellulose est trois plus résistance qu’une même section en béton », explique Sophie Morin, ingénieure dans le laboratoire Biomasse et technologie verte de l’axe « Smart Technologies for Food and Biobased Products » (SMARTECH) du centre de recherche TERRA (ULiège, Gembloux Agro-Bio Tech).

Biocomposite © Valbiom

Des traitements chimiques qui modifient la composition des fibres

« A L’ULiège, nous avons développé un traitement chimique modifiant les fibres végétales de lin et de chanvre pour améliorer leur compatibilité dans les biocomposites. Comme les trois polymères (cellulose, hémicellulose et lignine) sont très faiblement solubles dans des solvants dits ‘classiques’, nous avons mis au point un solvant plus complexe, dénommé solvant ‘eutectique profond’.»

«  Lorsque les fibres y sont placées, on observe un réarrangement et une modification de leur surface. En l’occurrence, davantage d’hémicellulose est exposée à la surface des fibres, donc davantage de groupements chimiques présents alors qu’ils n’étaient pas présents avant le traitement », explique Sophie Morin.

L’importance des aspects sensoriels

Le traitement chimique procure aussi un effet esthétique : les fibres blanchissent.

«  On a ensuite intégré ces fibres (20%) dans des matrices biosourcées (80%), en utilisant une technique innovante : l’extrusion assistée. L’usage d’eau permet d’encapsuler certaines molécules odorantes, créées lors du procédé et éliminées lors de l’évaporation », poursuit la chercheuse.

Cet aspect est essentiel pour envisager l’utilisation du biocomposite dans un milieu clos, tel qu’un habitacle de voiture.

Biocomposites pour automobile (c) Composens

« Certaines odeurs, comme celles de moisi et de solvants, sont particulièrement désagréables à notre nez. Par contre, une odeur de bois est agréable, d’autant plus quand on travaille avec des matériaux biocomposites utilisant des fractions végétales. »

Dans l’industrie automobile, qui figure parmi les secteurs mondiaux les plus gourmands en composites, l’intensité les odeurs émises par les matériaux doit se situer en dessous d’un seuil déterminé par un panel d’experts. Les différents biocomposites développés à l’ULiège dans le cadre du projet Composens dépassent légèrement ce seuil (et devraient donc trouver usage dans un autre secteur), excepté celui traité avec des ultra-sons. « Celui-là pourrait devenir un matériau candidat pour l’industrie automobile », conclut la chercheuse.

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