On s’en souvient, l’an dernier le Fonds de la Recherche scientifique (FNRS) fêtait ses 90 ans. Ce qu’on connait sans doute moins, c’est le rôle qu’a joué la Fédération des industries chimiques dans sa création. A l’occasion de la cérémonie du centenaire de cette Fédération d’entreprises, organisée cette semaine à Bruxelles, le Pr Kenneth Bertrams, professeur d’histoire économique à l’ULB, a évoqué un pan important de cette histoire commune.
1919, 1927 et 1928: les liens entre l’industrie et la science se renforcent
« Les facteurs de réussite en matière de recherche scientifique en Belgique sont notamment le fruit des bonnes relations que le monde de la recherche et le monde de l’entreprise ont pu entretenir et développer au fil du temps », indique-t-il.
« En 1927, le roi Albert 1er prononçait à Seraing un discours extrêmement important pour la recherche scientifique », rappelle-t-il. « Il mettait l’accent sur la recherche fondamentale et lançait un appel pour que des financements soient trouvés pour assurer la conduite de cette recherche fondamentale. Mais son discours ne s’adressait pas à l’État ni à ses responsables de l’époque. Le Roi parlait aux industriels. L’appel royal pour la recherche scientifique était un appel au secteur privé. Et les industriels de l’époque n’y ont pas été insensibles. Cela a été une des clés du succès de la mise sur pied, dès 1928, du FNRS ». Et du développement de cette industrie dans le pays. Les deux acteurs s’étant renforcés mutuellement.
Une histoire de molécules, mais aussi d’hommes et de femmes
Dix ans plus tôt, en 1919, juste après la Première Guerre mondiale, un groupe d’entrepreneurs issus de l’industrie de la chimie avait en réalité déjà décidé de s’unir en une fédération sectorielle: la Fédération des Industries Chimiques de Belgique (FIC) (Federatie der Chemische Nijverheid van België – FCN). Plus tard, elle devint Fedichem et ensuite, l’actuelle, essenscia, devenant ainsi l’une des plus anciennes fédérations sectorielles du pays plutôt florissant et nourries des fruits de la recherche (fondamentale et appliquée).
Au cours des 100 dernières années, le secteur s’est forgé une place de leader en matière d’exportation et d’innovation et est devenu un atout industriel, soulignent les dirigeants actuels de la fédération.
Solvay, Gevaert, Baekeland, Janssen…
«Un siècle de chimie et de pharma en Belgique, voilà une histoire de molécules, mais plus encore des hommes et des femmes derrière ces molécules. Des Belges comme Leo Baekeland, Lieven Gevaert, Ernest Solvay, Paul Janssen ou Marc Van Montagu ont marqué le développement des matières plastiques, de la photographie, de la chimie, des produits pharmaceutiques et de la biotechnologie », a rappelé de son côté Hans Casier, Président d’essenscia.
Aujourd’hui, plus de 90.000 personnes travaillent dans ce secteur. Grâce à elles, toutes ces molécules trouvent une application précieuse. « Cette connaissance et cette expertise constituent la force motrice derrière notre industrie. Dès lors, notre plus grand défi pour les années à venir est d’attirer toujours plus de jeunes vers la chimie et les sciences de la vie », indique encore Hans Casier.
Cent ans d’histoires et cent ans de défis nouveaux en perspective
«Notre société compte plus que jamais sur les innovations durables de la chimie et des sciences de la vie », estime de son côté Yves Verschueren, administrateur délégué de la fédération industrielle. « Qu’il s’agisse d’une mobilité respectueuse du climat, de la conversion du CO2 en matière première précieuse ou encore de la transition vers une économie circulaire. Comme ce fut le cas au siècle dernier, le secteur devra également, au cours des cent prochaines années, apporter des solutions à une multitude de problématiques urgentes. C’est une grande responsabilité, mais également une occasion unique pour nos entreprises et leurs collaborateurs de faire la différence dans les grands défis de société auxquels nous sommes tous confrontés.»
Dans le livre qu’ils consacrent à ce coup d’oeil dans le rétroviseur, « Des hommes et des molécules » (Editions Mardaga) Kenneth Bertrams (ULB) et Geerdt Magiels, biologiste et philosophe, n’hésitent pas, par exemple, de qualifier Rixensart de capitale mondiale du vaccin.
La firme GSK y produit un quart de la production mondiale de vaccins. Une position dominante en Wallonie où d’autres initiatives, comme celle d’Univercells, à Gosselies. Cette jeune entreprise propose, notamment grâce au soutien de la fondation Bill & Melinda Gates, une nouvelle technologie pour la production délocalisée de vaccins. « Notre technologie permet de diminuer d’un facteur dix le coût des vaccins », précise le patron de l’entreprise, Hugues Bultot. « Des quoi offrir aux patients des pays en voie de développement un accès plus aisé aux soins de santé ».
Bien entendu, les deux auteurs ne font pas l’impasse sur Anvers et son port, devenus en un siècle un des hauts lieux du secteur à l’échelle de la planète…