Hélicolimace Daudebardia brevipes © Natagora

L’hélicolimace sort du bois

9 septembre 2020
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Une espèce de gastéropode, mi-limace, mi-escargot, a été découverte en bordure d’un site carrier de la province de Liège. On ne l’avait plus recensée en Belgique depuis la préhistoire.

Une coquille trop petite pour servir d’abri

Dans le cadre du projet européen Life in Quarries, Louis Bronne, chargé de mission Natagora, a fait la découverte inattendue de trois petites hélicolimaces (Daudebardia brevipes).

Cette espèce de gastéropode tout à fait originale ressemble à une petite limace grisâtre de 2 centimètres de long, mais possédant une minuscule coquille brunâtre de 4 millimètres de diamètre dans laquelle il est évident qu’elle ne peut rentrer.

S’agit-il d’une limace équipée d’une coquille ou d’un escargot avec une coquille trop petite ? « La distinction “limace-escargot” n’a guère plus de sens en matière de proximité des espèces que la différence “hibou-chouette”. En termes d’évolution, les limaces des jardins sont bien plus proches du petit-gris que ce dernier ne l’est de l’élégante striée, pourtant également un escargot terrestre. Il vaut mieux considérer les limaces comme des escargots ayant plus ou moins perdu leur coquille : les limaces du genre Arion (comme la grande limace orange) en conservent juste quelques grains de calcaire sous le manteau, tandis que la limace léopard possède une réelle coquille… interne ! », précise Louis Bronne.

Hélicolimace Daudebardia brevipes © Natagora

Une vie passée sous terre …

Le mode de vie des hélicolimaces Daudebardia brevipes explique qu’elles n’aient pas été découvertes plus tôt.
« Cette espèce passe une bonne partie de son temps sous terre, où elle se nourrit notamment de vers de terre, et ne laisse comme seules traces que des coquilles extrêmement fragiles », explique le naturaliste. « La présence en Belgique de cette espèce n’avait jamais été soupçonnée ni même espérée. »

Elle vient rejoindre la centaine d’espèces de gastéropodes terrestres indigènes connues en Belgique. La dernière espèce à avoir rejoint ce bestiaire (l’hélice grimace Isognostoma isognostomos) a été découverte il y a tout juste 50 ans.

… dans une forêt au bord d’une rivière

Elle a été trouvée dans une ripisylve, une forêt poussant le long d’un cours d’eau, composée notamment d’aulnes.

« Cette magnifique ripisylve possède les caractéristiques d’un milieu primaire, c’est-à-dire jamais modifié par l’homme : aucune plante exotique ne s’y est développée, car aucune matière n’y est amenée de l’extérieur. Des arbres morts y permettent la présence du gobemouche gris et du pic épeichette, etc. », commente Louis Bronne.

“Cette ripisylve est un parfait exemple du formidable potentiel d’accueil pour la biodiversité que représentent les sites extractifs. En alliant différents types de milieux (pionniers ou arborés, friches ou fond de fosse), les carrières offrent une multitude d’habitats à de nombreuses espèces rares, en danger ou comme ici, qu’on ne soupçonnait même pas ! Une cohabitation entre activité humaine et nature bénéfique pour tous, d’autant plus que cette zone non exploitée est préservée justement par son appartenance au site », explique Céline Druez, responsable de la communication du projet Life in Quarries.

Préserver la biodiversité sur le long terme

Lancé en 2015 à l’initiative de Fediex (Fédération de l’industrie extractive de roche non-combustible) et co-financé par le programme LIFE de la Commission européenne, la Région wallonne et les différents partenaires, le projet Life in Quarries vise à développer et préserver le potentiel d’accueil de la biodiversité des sites extractifs pendant leur phase d’exploitation.

Il veille à la constante disponibilité d’habitats pour de nombreuses espèces rares et/ou en danger, à travers différentes actions (temporaires ou permanente) sur les sites et la ratification de chartes impliquant les exploitants – même – après la fin du projet. Actuellement en cours dans 26 carrières wallonnes, il prendra fin en 2021.

« À terme, si le site carrier devait être affecté à une autre activité, il faudra éviter que la ripisylve où l’hélicolimace a été découverte ne fasse l’objet d’un passage important de promeneurs, car le tassement du sol pourrait rendre le milieu inhospitalier à l’espèce qui a besoin d’un sol meuble », précise Natagora.

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