Photo inédite du Soleil réalisée grâce à la technologie wallonne développée par Deltatec © Solar Orbiter/EUI Team/ESA & NASA

Un gigantesque hoquet solaire tenu à l’œil grâce à une technologie wallonne

2 mars 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Le sourire est de mise chez Deltatec, à Ans, non loin de Liège. Alors que l’activité de notre étoile, le Soleil, monte en puissance dans son cycle de 11 ans, l’entreprise spécialisée dans le traitement du signal (imagerie) via l’ingénierie, les logiciels et le développement de composants électroniques vient de voir un de ses « enfants » livrer d’excellents résultats. Les données de ses caméras installées à bord du satellite européen Solar Orbiter ont, en effet, permis d’obtenir une image encore jamais vue de notre étoile.

On y aperçoit le disque solaire ainsi qu’une éjection de matière gigantesque sur le côté, qui s’étend sur plusieurs millions de kilomètres. Un hoquet solaire, un événement spectaculaire, qui heureusement n’était pas dirigé vers la Terre. Il aurait sinon pu y provoquer d’importantes perturbations électromagnétiques.

Le Soleil vu de près et dans l’ultra-violet extrême

« Cette image provient de la combinaison des données issues de l’imageur FSI, installé sur l’instrument EUI (Extreme UV Imager) du satellite Solar Orbiter et d’un autre satellite d’observation du Soleil (Soho) muni d’un coronographe », explique l’ingénieur Julien Nuttin, chez Deltatec. « En superposant le disque solaire et ces éjections, cela donne l’image complète de la mi-février. Une image qu’il n’est pas possible d’obtenir autrement ».

Solar Orbiter est un satellite scientifique de l’ESA, l’Agence spatiale européenne. Il a été développé en collaboration avec l’agence spatiale américaine et comporte une dizaine d’instruments scientifiques, dont EUI. Le développement de ce dernier était placé sous la maîtrise d’œuvre du Centre spatial de Liège en collaboration avec l’Observatoire royal de Belgique.

Trois caméras pour un instrument

Il s’agit d’un instrument qui prend des images à haute résolution du Soleil dans l’ultraviolet extrême. « En réalité, EUI est composé de trois télescopes », reprend Julien Nuttin. « La caméra FSI observe le disque solaire dans son ensemble. Les deux autres caméras sont des sortes de téléobjectifs ». La fierté de Deltatec ? Avoir développé les caméras de ces trois télescopes.

La caméra FSI (Full Sun Imager) est conçue pour observer l’ensemble du disque solaire, même lorsque le satellite se trouve près de l’étoile, comme cela sera le cas le 26 mars 2022, lors du passage de Solar Orbiter au plus près du Soleil. Une des particularités de ce satellite est qu’il vogue sur une orbite très elliptique qui l’amène à se rapprocher jusqu’à 43 millions de kilomètres de notre étoile. Pour rappel, la Terre orbite autour du Soleil à une distance de notre étoile de quelque 150 millions de kilomètres.

Autre particularité de ce satellite, au fil de sa vie, il sera amené à « survoler » les pôles du Soleil. En réalité, il s’éloignera de 33 degrés du plan orbital solaire. Ce qui offrira un point de vue inédit aux scientifiques qui étudient notre astre du jour.

Après le Soleil, cap sur l’observation de la Terre avec CSIMBA

Pour l’entreprise d’Ans, les défis à relever dans la mise au point de ses caméras étaient plutôt de taille. Il a fallu combiner une multitude de contraintes, dont celles liées aux énormes différences de température entre les côtés des caméras tournés vers le Soleil et ceux à l’opposé, « dans l’ombre » ». Un beau défi pour nos ingénieurs qui passent, selon les besoins des projets et des clients, de l’imagerie dans le sport au spatial, et vice-versa.

Une flexibilité à nouveau mise à l’épreuve. Parmi les nouveaux projets spatiaux de Deltatec, il y a sa participation au cubesat belge CSIMBA: un démonstrateur technologique basé sur un engin de 12 décimètres cubes qui, cette fois, observera la Terre dans le domaine du rayonnement visible (hyperpectral) plutôt que le Soleil dans l’UV.

« On vient de terminer le modèle d’ingénierie de ce satellite », précise Julien Nuttin. « C’est le modèle qui suit le prototype et qui précède le modèle de vol. Il est tout à fait opérationnel, mais ce n’est pas le modèle qu’on enverra dans l’espace. Nous sommes désormais prêts à lancer la fabrication du modèle de vol. Un instrument développé avec AMOS (Angleur) et le Vito (Mol), tandis que la plateforme du satellite est développée par AeroSpacelab (Mont-Saint-Guibert) ».

De son côté, Solar Orbiter a entamé les observations de routine de notre étoile en novembre dernier. Grâce à ses dix instruments scientifiques, dont EUI,  les scientifiques aimeraient trouver des réponses à certaines questions fondamentales: quel est le moteur du cycle de 11 ans d’augmentation et de diminution de l’activité magnétique du Soleil ? Qu’est-ce qui réchauffe la couche supérieure de son atmosphère, la couronne, à des millions de degrés ? Qu’est-ce qui entraîne la production du vent solaire ? Qu’est-ce qui accélère le vent solaire à des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres par seconde ? Les réponses se trouvent peut-être du côté de ses pôles…

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