Vis ma vie de postdoctorant

9 septembre 2024
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Après la défense d’une thèse de doctorat et l’obtention d’un poste académique permanent, le chemin est souvent long et jalonné d’une série de postdoctorats. L’Observatoire de la recherche et des carrières scientifiques du FNRS s’est penché sur la situation professionnelle des postdoctorants et leurs motivations.

Réaliser un post-doctorat n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Tout d’abord, la flambée du nombre de doctorantes et doctorants n’est absolument pas suivie d’une augmentation proportionnelle des postes académiques permanents. Ensuite, la pression pour publier et la prise en compte de métriques dans l’évaluation (comme le facteur d’impact et l’indice h) sont très fortes : la compétition fait rage pour obtenir un financement. A cela, s’ajoute l’attente croissante de rentabilité économique de la recherche publique.

« Malgré le fait qu’aujourd’hui une très faible proportion des titulaires de doctorat parvient à devenir professeur titulaire, la formation doctorale demeure dans de nombreux pays largement axée sur la poursuite d’une carrière académique. Une conjonction de facteurs crée un environnement de travail peu favorable pour les postdocs » , précise Dre Neda Bebiroglu, conseillère scientifique et coordinatrice de l’ Observatoire de la recherche et des carrières scientifiques du FNRS

Des chercheurs à un stade précoce de leur carrière

L’enquête qu’elle a coordonnée fut lancée en janvier 2022 en coordination avec toutes les universités francophones de Belgique. L’échantillon est principalement composé de jeunes chercheurs ayant obtenu leur doctorat au cours des 3,5 années précédant l’enquête.

Au moment d’y répondre, les 387 chercheurs pris en compte ont tous indiqué être en postdoctorat, en Belgique ou à l’étranger. De plus, tous sont titulaires d’un doctorat de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). La plupart (43,7%) en sciences exactes et naturelles, contre 31,3% en sciences humaines et sociales et 25,1% en sciences de la vie et de la santé.

« Les postdocs ayant obtenu leur doctorat à l’étranger ne font pas partie de notre échantillon, ce qui impacte la représentativité des résultats. Il convient donc de les interpréter avec prudence », précise Dre Neda Bebiroglu, autrice du rapport « Postdocs de la FWB: Aspirations et situations professionnelles ».

Réponses des postdocs qui sont en CDD à la question « Quelle est la durée de votre contrat
en mois ? » (n = 289) © rapport « Postdocs de la FWB: Aspirations et situations professionnelles »

Des contrats de moins de 2 ans

« La plupart de ces postdocs ont indiqué occuper un emploi à temps plein (86,7%) et être en CDD ou en CDI conditionné à l’obtention de financements de recherche successifs », poursuit-elle.

Parmi les 294 postdocs en CDD, la durée de leur contrat variait entre 2 mois et 72 mois, avec une médiane de 24 mois.« La majorité des personnes interrogées disposent de contrats de moins de 2 ans, ce qui les place dans une position délicate. »

« Bien que des recommandations récentes au niveau international préconisent un niveau minimal de continuité, tel que des contrats d’au moins 3 ans, pour atténuer la précarité postdoctorale, les chiffres indiquent que la situation demeure incertaine pour de nombreux titulaires de doctorats de la FWB en postdoctorat (en Belgique ou à l’étranger, NDLR) », mentionne Dre Bebiroglu.

Salaire mensuel net des postdocs travaillant à temps plein en Belgique et à l’étranger
(n = 323) © rapport « Postdocs de la FWB: Aspirations et situations professionnelles »

Une envie de professer en Belgique

Cela n’empêche, leur situation salariale est globalement enviable. En effet, en Belgique, la majorité des postdoctorants perçoit un salaire mensuel net compris entre 2.500 € et 2.999 €.

« Les données que nous avons collectées dans le cadre de cette enquête témoignent de l’attrait de la Belgique en tant que lieu de travail pour les personnes ayant obtenu leur doctorat en FWB. Parmi les individus en postdoctorat à l’étranger, 78,5% des postdocs de nationalité belge et 50,0% de leurs homologues de nationalité étrangère manifestent une intention de (re)venir travailler en Belgique », poursuit-elle.

Principales raisons de poursuivre une carrière académique pour les postdocs interrogés (n = 387) © rapport « Postdocs de la FWB: Aspirations et situations professionnelles »

Passion et aide à la construction d’un projet professionnel

Quid des motivations ? L’enquête révèle que réaliser un postdoctorat est surtout une opportunité aux titulaires d’un doctorat de poursuivre leur passion pour la recherche ou qu’ils ont un intérêt personnel pour la thématique de recherche (66,7%). Dans le questionnaire à choix multiples leur demandant de justifier la poursuite d’un parcours académique, 47 % citent également l’importance du degré d’indépendance et d’autonomie dans le travail. Et 43,4 % de la contribution au progrès scientifique et à la société. « L’élément le moins cité était le salaire et les avantages (4,1%). »

Réponses à la question « Avez-vous pour objectif d’occuper un poste académique ou
scientifique permanent (« tenured ») ou menant à l’obtention d’un poste permanent (« tenure-track ») » des postdocs (n = 387) © rapport « Postdocs de la FWB: Aspirations et situations professionnelles »

On pourrait croire que réaliser un postdoctorant se fait essentiellement en le considérant comme une étape nécessaire à l’obtention d’un poste permanent académique ou scientifique. Mais seuls 62,3% des postdoctorants de l’échantillon ont indiqué avoir pour objectif d’occuper un poste académique ou scientifique permanent (« tenured ») ou menant à l’obtention d’un poste permanent (« tenure-track »).

11,9% des postdocs interrogés ont coché la réponse ‘l’objectif n’est pas d’obtenir un poste permanent’. « Et pour 25,8%, l’objectif n’est pas encore clairement défini. Ce nombre élevé met en évidence l’importance d’informer les postdocs sur les nombreuses opportunités de carrière, tant dans le milieu académique qu’en dehors, soulignant ainsi la nécessité de soutenir leur carrière pour les aider à élaborer leur projet professionnel », conclut Dre Bebiroglu.

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