Façade de Novacitis (Liège) végétalisée par VIVUS © Laetitia Theunis

Recréer des écosystèmes naturels et spécifiques en ville

18 novembre 2024
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Développer la nature là où on ne l’attend pas. C’est le credo de VIVUS, une nouvelle spin off de Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). Celle-ci propose des conseils et une stratégie à des acteurs du développement urbain, des industriels, des entreprises de services afin d’optimiser ou développer la nature en leur sein. Mais aussi des modules issus du réemploi de matériaux pour végétaliser murs et toitures avec des espèces de plantes natives en accord avec l’écosystème local.

Façade à rue de Novacitis (Liège) végétalisée par VIVUS © Laetitia Theunis

Des écosystèmes sur mesure

«  La végétalisation proposée est spécifique aux endroits d’intervention. Afin de créer de petits écosystèmes adéquats, on choisit des espèces pertinentes par rapport aux enjeux locaux de biodiversité du réseau écologique. Pour ce faire, on se base sur la large expertise développée depuis des décennies dans notre laboratoire », explique Grégory Mahy, professeur au sein de l’Unité Biodiversité et Paysage et cofondateur de VIVUS.

« Nous créons des habitats analogues aux habitats naturels de la région dans laquelle on se trouve : pelouses sèches, landes à bruyères ou autres. Ensuite, à l’échelle du site, en fonction de l’exposition, du vent, de la hauteur, de l’ensoleillement, on opte pour des espèces végétales les plus appropriées et les plus résilientes par rapport aux conditions locales. Nos structures ne sont donc, en aucun cas, standardisées. »

Chaque module contient des végétaux en adéquation avec le milieu environnant. Notamment de l’origan et des plantes apparentées aux pissenlits © Laetitia Theunis

Le naturel avant tout

Placés sur un mur vertical, dans des boîtes contenant des composants recyclés et de la terre, des végétaux s’épanouissent vers le haut, d’autres pendent, d’autres encore s’étendent latéralement, à gauche ou à droite. « Notre conception est très naturelle. Elle tient compte du cycle des saisons, de l’organisation et de la diversité des écosystèmes naturels. Nos modules font 40 x 40 cm. Les plantes y sont précultivées en pépinière. Dès lors, quand le mur végétal est installé, les plantes sont déjà bien enracinées et en partie développées. »

« Ensuite, l’exposition et le vent jouent beaucoup dans le développement des plantes. Ca fait très sauvage. C’est ce qu’on appelle le « Wild by design », du design d’écosystèmes tels qu’on en trouve dans la nature. »

Le mur végétalisé se compose de différents modules hébergeant des végétaux d’espèces locales © Laetitia Theunis

Boire, transpirer, rafraîchir

Si les toits végétaux ne nécessitent pas d’être irrigués, il n’en est pas de même pour les murs végétaux de par leur disposition verticale. Toutefois, « un choix judicieux de plantes et de substrat adaptés permet de réduire de 5 à 10 fois l’irrigation», explique Pr Mahy.

S’il est essentiel d’irriguer les murs végétaux, c’est notamment, car une des fonctions de la végétalisation urbaine au sens large est de lutter contre les îlots de chaleur. Et un des principaux processus en œuvre est la transpiration de la végétation. Or, en été, quand il fait très chaud, la végétation assoiffée garde précieusement l’eau qu’elle contient en fermant ses stomates (des pores situés à la surface des feuilles qui permettent les échanges gazeux entre la plante et l’atmosphère), et ne transpire donc pas. « Il y a donc une logique à irriguer les structures pour qu’elles transpirent. Et ainsi qu’elles rafraîchissent l’air à proximité dans les cours, dans les rues dans lesquelles elles ont été installées. »

Cette irrigation est réalisée par de l’eau de pluie stockée lors des mois pluvieux.

Façade de Novacitis (Liège), à l’arrière du bâtiment, végétalisée par VIVUS © Laetitia Theunis

Des essences locales

Les plantes installées dans les modules VIVUS sont toutes issues de graines et de populations régionales. Elles sont achetées à des pépiniéristes locaux . « Certains végétaux ont une vocation un peu plus horticole, d’autres sont des plantes rares produites dans le cadre d’un programme de restauration d’écosystème », précise le cofondateur de la spin off.

La plupart sont vivaces. Celles-ci étant pour la plupart des bisannuelles, elles ne fleurissent qu’au bout de deux ans. « Dès lors, pour avoir des couleurs dans les modules dès la première année, on met des plantes annuelles, comme des coquelicots. Mais leurs graines tombant ensuite au sol en raison de la verticalité du support, les annuelles se font ensuite supplanter par les vivaces. »

« Pour contourner ce problème, on est en train de développer un concept permettant de projeter, sur nos caissons, des graines avec une matière collante et nutritive utile à leur développement. Parmi celles-ci, il y aura des annuelles. »

Un autre objectif des prochains mois est d’inclure des bryophytes (des mousses) dans les structures. Sur les toits végétaux, ces espèces pionnières s’installent d’elles-mêmes. Mais sur les murs végétaux, ce n’est pas le cas actuellement. En effet, les caissons métalliques soutenant les plantes sont constitués de gabions tapissés d’un géotextile retenant le substrat. Or, celui-ci ne laisse pas passer suffisamment d’humidité pour que les mousses s’ancrent et puissent se développer en tapis. « Nous travaillons sur de nouveaux supports pour nous permettre d’aller aussi dans cette direction. »

Une première levée de fonds aura lieu en novembre 2024. « Pour passer à une autre échelle, il faut que l’on ait un fonds de roulement qui permette, notamment, d’avoir une réserve de modules végétalisés prêts pour pouvoir répondre aux commandes », conclut Pr Mahy. De quoi développer des îlots les moins artificialisés possibles qui remettent les humains en contact avec les milieux naturels « sauvages ».

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