Concrétisation d’un modèle de transformation basse émission du méthane en hydrogène

17 juillet 2025
par Daily Science
Temps de lecture : 5 minutes

Vingt-quatre mois seulement après son lancement, le projet HECO2 Plasmalyse Hybride, soutenu par la Région wallonne ainsi que par les pôles de compétitivité MecaTech et GreenWin franchit une étape clé avec la construction d’un démonstrateur pilote laboratoire capable de produire de l’hydrogène « turquoise » à partir de différentes sources de méthane, sans émission directe de CO₂, tout en co-produisant du carbone solide valorisable.

Prévue pour une mise en service en septembre 2025, cette installation pilote visera une capacité de production de 3 kg/h d’hydrogène et 10 kg/h de carbone solide. Elle constitue une étape décisive avant un passage à l’échelle préindustrielle.

L’hydrogène « turquoise » : une voie crédible vers l’hydrogène bas carbone

Il existe plusieurs types d’hydrogène, classés selon leur mode de production. L’hydrogène « noir », « brun » et « gris » est issu de combustibles fossiles. L’hydrogène dit « bleu » est produit de manière similaire, mais avec un dispositif de captage et de stockage du CO₂ pour limiter les émissions. L’hydrogène « vert », quant à lui, est obtenu par électrolyse de l’eau, un procédé qui requiert une quantité importante d’électricité, provenant soit du réseau, soit de sources renouvelables.

Enfin, l’hydrogène « turquoise » combine l’utilisation d’électricité et de méthane, tout en consommant 4 à 7,5 fois moins d’électricité que l’électrolyse selon la technologie utilisée, ce qui en fait une option prometteuse pour l’avenir. De plus, si le méthane utilisé provient du biogaz, le CO₂ qu’il contient a été préalablement capté dans l’atmosphère, ce qui peut rendre son bilan carbone négatif.

Face aux défis de la transition énergétique, le projet HECO2 plasmalyse hybride propose une solution technologique innovante pour produire de l’hydrogène turquoise avec une empreinte carbone fortement réduite : la plasmalyse hybride du méthane. Cette technologie émergente de production d’hydrogène combine le craquage du méthane en utilisant un plasma à haute température avec d’autres procédés pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions de CO₂.

Elle permet de transformer différentes sources de méthane – gaz de mine (souvent relâché dans l’atmosphère), biométhane (issu de nos déchets organiques), gaz de charbon ou encore gaz naturel – en deux co-produits valorisables : de l’hydrogène et du carbone solide. En langage chimique, la réaction simplifiée s’écrit CH4→C(solide)+2H2 : tant que le carbone est capté sous forme solide, ce procédé est sans émission directe de CO₂.

Banc d’essai représentatif capable de produire jusqu’à 250 g/h de carbone © Région wallonne / MecaTech/GreenWin

Le projet se distingue par la mise en place d’une plateforme expérimentale modulable et sécurisée, conçue pour explorer et optimiser les performances des réacteurs plasma (froid, chaud, thermique), notamment en termes de taux de conversion du méthane et d’efficacité énergétique.

Elle intégrera également des modules complémentaires (“plug-ins”) permettant de :
– purifier, si nécessaire, en amont certaines sources de méthane (ex. élimination de composés soufrés) ;
– séparer, collecter, sécuriser et valoriser les formes solides de carbone générées ;
– récupérer l’hydrogène et recycler la fraction non convertie ;
– assurer un abattement sécurisé des résidus combustibles ;
– récupérer potentiellement la chaleur fatale, réutilisable dans les infrastructures du laboratoire.

Des résultats prometteurs et une technologie adaptée aux besoins industriels

Le démonstrateur repose sur les résultats encourageants obtenus ces 18 derniers mois sur plusieurs plateformes pilotes capables de produire jusqu’à 250 g/h de carbone. Ces travaux ont démontré la faisabilité technique d’utiliser du gaz de mine et du biométhane dans un procédé de plasmalyse pour produire simultanément de l’hydrogène et du carbone solide, sans émission directe de CO₂.

Parmi les principales avancées simplifiant l’intégration industrielle du procédé :
• Le procédé n’exige pas d’étape coûteuse de purification préalable du gaz ;
• Aucun gaz auxiliaire n’est requis pour la production d’hydrogène et de carbone solide ;
• Fonctionnement possible avec des quantités limitées d’eau non purifiée, en favorisant un circuit fermé ;
• Opération à pression atmosphérique ; simplifiant l’intégration dans les usines existantes ;
• Températures modérées, permettant l’utilisation de matériaux moins coûteux et réduisant la complexité des équipements.

Le carbone solide coproduit présente une faible empreinte carbone (rappelez-vous la réaction simplifiée CH4→C(solide)+2H2 qui n’émet pas de CO2), se différenciant des solutions conventionnelles de production, émettrices de grandes quantités de CO₂. Les expériences ont révélé une grande variété de types de carbone solide pouvant être obtenus, dont le potentiel de valorisation industrielle sera prochainement évalué.

Vers une industrialisation pour un avenir durable

L’objectif principal du démonstrateur de laboratoire est de valider l’efficience, la stabilité et la reproductibilité du procédé en vue d’une mise à l’échelle préindustrielle prochainement.

« Lancé en juin 2023 avec le soutien de la Région wallonne et en collaboration avec plusieurs partenaires technologiques et industriels, le projet HECO2 plasmalyse hybride s’inscrit pleinement dans la dynamique de décarbonation et de transition énergétique, en phase avec les objectifs climatiques de l’Union européenne à l’horizon 2050 », mentionnent les scientifiques du projet.

« En positionnant l’hydrogène turquoise comme une solution complémentaire dans le mix énergétique européen bas carbone, HECO2 plasmalyse hybride ouvre la voie à la valorisation locale et durable du méthane – en particulier du gaz de mine, du biométhane et même de tout gaz fossile – et à la création d’une filière circulaire, propre et innovante, à terme pour l’ensemble de l’Europe. »

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