Et si demain, à l’instar du loup, du lynx et du castor, le bison d’Europe était de retour dans les forêts wallonnes ? La question n’est pas aussi saugrenue qu’il y paraît. Un écosystème riche, complexe et hétérogène est davantage résilient face aux crises environnementales et climatiques. Et cette hétérogénéité passe par un partage plus équilibré du territoire avec la nature sauvage. Le réensauvagement était au centre de la conférence BeWild, organisée par le WWF Belgique.
La Wallonie est un petit territoire hyper densifié. Au 1er janvier 2023, 217,8 habitants se pressaient, en moyenne, par km², selon les chiffres de l’Iweps. Mais ce serait oublier que la population wallonne n’est pas uniformément répartie sur le territoire. « La partie sud de la Wallonie est beaucoup moins dense avec de nombreuses communes de densité inférieure à 50 habitants/km². » C’est dans cette zone que le réensauvagement prend ses quartiers.
Par réensauvagement, on entend le retour d’animaux sauvages qui ont été jadis chassés de ce qui allait devenir la Wallonie ou exterminés. On ne parle donc pas d’espèces exotiques, comme le raton laveur – originaire d’Amérique du Nord – ou le ragondin – originaire d’Amérique du Sud – Importées en Europe pour l’élevage, ces deux espèces, considérées aujourd’hui comme invasives, se sont retrouvées dans la nature suite à l’ouverture des cages, et se sont adaptées à notre environnement.
Le castor, un retour en fanfare
L’exemple le plus ancien de réensauvagement actif est celui du castor.
Cette espèce a été considérée comme disparue en Wallonie dès 1848. Son extermination a fait suite à une chasse outrancière pour sa fourrure et pour sa viande. Mais aussi pour son castoréum, la substance huileuse et odorante qu’il émet pour marquer son territoire et utilisée en parfumerie.
Le castor est réapparu en Wallonie dès 1998, suite à des réintroductions pirates. Quelque 101 individus ont été relâchés de la sorte jusqu’en 2000. Après quoi, des réintroductions légales ont pris le flambeau. Le SPW estime que la population de castors atteint aujourd’hui les 3500 individus. Soit un site tous les 30 km de cours d’eau wallon.
Petit à petit, le loup et le lynx reviennent
Figure emblématique du réensauvagement passif de la Wallonie, le loup est réapparu en 2016, sur le Plateau des Tailles. Il a fallu attendre deux ans pour que le premier mâle, Akela, s’installe dans les Hautes Fagnes. Avec Maxima, il a donné naissance à trois louveteaux en juin 2021. « En octobre 2023, on comptabilise trois meutes installées de façon permanente sur notre territoire, avec une vingtaine d’individus », précise Sophie Clesse, de la Wolf Fencing Team Belgium. Théoriquement, la Wallonie aurait le potentiel pour accueillir de 15 à 20 meutes, soit environ 100 loups.
Si le loup est revenu par lui-même, descendant des lignées alpines et polonaises qui ont réussi à survivre aux massacres du 19e siècle, il en est tout autre pour le lynx. Ce dernier avait disparu de Belgique depuis 300 ans, quand un piège photographique a capturé son museau dans la région de la Semois en février 2020. Celui-ci est issu des programmes de réintroduction menés dans les Vosges (France) et l’Eiffel (Allemagne). « Le territoire wallon semble propice au lynx et, selon des études, pourrait accueillir 75 individus », précise Corentin Rousseau du WWF-Belgique.
Et pourquoi pas le bison ?
Jusqu’où le réensauvagement pourrait-il aller ? Jadis, la Wallonie comptait des élans, des ours, des aurochs (ancêtres des races actuelles de bovins domestiques, désormais éteints), des tarpans (chevaux sauvages, désormais éteints) et des … bisons.
« Selon des études préliminaires, en Wallonie, quatre à six sites seraient compatibles au niveau de l’habitat avec la présence de bisons, des animaux qui vivent principalement en forêt. Ces sites pourraient chacun accueillir de 10 à 30 individus, soit un à deux troupeaux. Attention, il ne faut pas prendre ces chiffres pour argent comptant, mais cela montre que cette réintroduction n’est pas impossible. Et qu’il y a de la place pour envisager des bisons en totale liberté en Wallonie », explique Sébastien Lezaca-Rojas, de l’ASBL « Forêt et Naturalité ».
La question d’une réintroduction du bison a été lancée, notamment face à un panel politique. L’avenir dira si elle a été entendue.