C’est un homme qui lance le débat, le Pr Francois-Xavier Fievez, vice-recteur de l’Université de Namur aux affaires sociales et étudiantes. « Savez-vous quel est le pourcentage de femmes scientifiques dans le monde par rapport aux hommes ? », demandait-il lors de la journée « Femmes et sciences », organisée voici peu à l’UNamur. La réponse est cinglante. « Moins de 30 % », avance-t-il. Un chiffre à nuancer, sans aucun doute, en fonction des métiers et des filières scientifiques. Mais un chiffre qui, globalement, dénote une situation toujours très déséquilibrée.
Si la situation évolue lentement vers une plus grande parité suite à la mise en place de multiples initiatives institutionnelles, dans les comités des agences de financement de la recherche ou encore dans les mentalités des nouvelles générations, certaines barrières déjà bien identifiées dans le passé continuent toutefois de préoccuper les jeunes chercheuses. Plusieurs participantes à la table ronde organisée à ce propos pointaient la question de la situation familiale.
Pas de repos
« Dans un couple de scientifiques, quelle carrière va-t-on privilégier en cas de poste disponible à l’étranger, celle du mari ou celle de l’épouse ? », interroge Cynthia Liem, de l’Université technique de Delft, aux Pays-Bas. Dans ce type de situation, elle constate que faire pencher la balance en faveur de la scientifique reste délicat.
Autre constat: quand le désir de fonder une famille survient, le projet est en théorie porté autant par le futur père que la future mère. Mais ici aussi, la question de la carrière à privilégier ne tarde pas à surgir. Et trop souvent, c’est encore la mère qui sacrifie quelques mois voire quelques années de sa carrière scientifique. Avec le risque de perdre le fil, de ne plus être compétitive. « En fait, ce n’est jamais le bon moment pour faire un bébé », s’exclame la Dre Katy Poncin, qui est revenue à l’UNamur après un séjour à l’Université d’Oxford. Quand ce n’est pas, bien souvent, le choix de postposer une première grossesse après son doctorat et un premier, voire un deuxième, postdoctorat qui s’impose.
C’est le cas de Julie Henry, Docteure en didactique de l’informatique et en sciences de l’éducation. Elle a privilégié dans un premier temps sa carrière et a repoussé d’autant la maternité. Depuis l’an dernier, elle est toutefois la mère d’un petit garçon. Un bébé auquel elle a donné le jour alors qu’elle venait de passer son 40e anniversaire. « Mais même après l’accouchement, je n’ai rien lâché », témoigne-t-elle. « Le monde ne s’arrête pas de tourner. Pendant mon congé de maternité, j’ai dû écrire deux projets de recherche ».
La crèche de l’Université
Est-il à ce point quasi inconciliable de fonder une famille quand on est une femme scientifique? « Des solutions existent », commente de son côté la Pre Carine Michiels, vice-rectrice de l’UNamur en charge de la Recherche. « Et c’est d’ailleurs ce qui a sauvé ma carrière scientifique. En accueillant les très jeunes enfants jusqu’à 18 heures, la crèche de l’Université permet aux femmes de continuer de mener leurs recherches. »
« Et il en va de même du Club du Temps Libre, qui prend en charge les enfants de 3 à 8 ans après les périodes scolaires. Le personnel de ce Club (en réalité le personnel du Service d’aide pour les enfants et familles de l’Université de Namur), assure le ramassage scolaire après la classe, dans les écoles proches. Il s’occupe alors des enfants jusqu’en fin de journée, permettant ainsi aux jeunes parents de poursuivre leur travail à l’Université de manière optimale. »
Cette question de la parentalité n’est, bien entendu, qu’un des éléments susceptibles d’entraver la carrière scientifique des femmes. Comme d’autres barrières, elle demande des réponses efficaces et équilibrées. Cela nécessite de faire évoluer davantage encore les mentalités au sein des couples, des familles, dans l’éducation des enfants, au sein de l’Université, dans la société tout entière, avec ses multiples composantes culturelles et sociales. Cela nécessite aussi de gommer certains stéréotypes trop bien ancrés dans les esprits. Comme en témoigne cette simple expérience proposée à un enfant auquel on demande de dessiner une personne qui fait de la recherche scientifique. Quasi invariablement, le portrait sera celui d’un homme d’un certain âge, à la chevelure hirsute et au tablier de laboratoire…
« La route de la parité est encore longue, mais le jeu en vaut la chandelle », martèle la vice-rectrice Carine Michiels. « Je sais que pour résoudre nos problèmes, nous ne sommes pas seules. Il y a le mentorat, où les chercheuses établies peuvent partager leur expérience avec les plus jeunes. Il y a aussi nos collègues masculins sur lesquels nous pouvons compter. Au bout du compte, je constate que ce sont les groupes de recherche mixtes, d’expériences et d’âges différents, qui sont les plus innovants ».